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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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carte du royaume divisée en zones de couleurs différentes selon le régime de la gabelle qui y était appliqué : rouge pour les pays de grande gabelle, bleu pour ceux de petite gabelle, vert pour les pays de salines, noir pour les pays de quart-bouillon, jaune pour les pays rédimés et blanc pour les pays exempts ou provinces franches.
    Surtout, grâce au chanoine, elle avait fait une découverte extraordinaire.
    Ce soir-là, exténué, dégouttant de boue et de fatigue, Guillaume avait regagné le château. Il était d’assez bonne humeur parce que dans l’après-midi, sur une foire de Champagne, il avait fini par trouver un oiseleur capable d’identifier formellement l’oiseau empaillé que l’assassin avait posé au-dessus de Mme de Saintonges et qu’il avait dessiné à la demande de Delphine.
    — C’est un goéland de Méditerranée, un « gabian », lui avait dit l’homme d’un ton assuré.
    Elle ne lui laissa pas le temps d’ôter ses bottes.
    — Asseyez-vous, monsieur, et pas un mot. Fermez les yeux et souvenez-vous !
    — Me souvenir de quoi ? demanda-t-il d’un ton amusé.
    Elle saisit sur une console un ouvrage à la couverture de cuir rouge et vint s’asseoir, les jambes repliées sous elle, sur le sofa en face de lui.
    — J’ai travaillé pour vous. Êtes-vous disposé à m’entendre ?
    Elle avait dans les yeux comme une joie d’enfant. Il lui sourit en hochant la tête. Elle prit le livre dans les mains et il la revit soudainement comme il l’avait surprise une nuit au château de Montclar absorbée par la lecture des Contes de ma mère l’Oye .
    — Je me souviens, dit-il.
    Il l’aimait depuis cet instant précis d’un amour infini.
    — Alors écoutez-moi dans un silence… religieux.
    Elle posa l’ouvrage sur ses genoux, écarta le marque-page, toussa légèrement pour s’éclaircir la voix et commença la lecture en s’appliquant. Son front se barra de cette ride minuscule qu’il adorait.
    — « Lorsque pointa l’aurore, les Anges insistèrent auprès de Lot, en disant : “Debout ! prends ta femme et tes deux filles qui se trouvent là, de peur d’être enveloppé dans le châtiment de la ville.” Et comme il hésitait, les hommes le prirent par la main, ainsi que sa femme et ses deux filles, pour la pitié que Yahvé avait de lui. Ils le firent sortir et le laissèrent en dehors de la ville. Comme ils le menaient dehors, il dit : “Sauve-toi, sur ta vie ! Ne regarde pas derrière toi et ne t’arrête nulle part dans la plaine, sauve-toi à la montagne, pour n’être pas emporté !”. »
    — Yahvé ? Lot ? L’Ancien Testament, n’est-ce pas ?
    Les yeux de Delphine flambèrent et tout son visage en fut éclairé de l’intérieur. Elle reprit d’une voix plus assurée, contente de son effet.
    — « Lot leur répondit : “Non, je t’en prie, Monseigneur ! Ton serviteur a trouvé grâce à tes yeux et tu as montré une grande miséricorde à mon égard en m’assurant la vie. Mais moi, je ne puis pas me sauver à la montagne sans que m’atteigne le malheur et que je meure. Voilà cette ville, assez proche pour y fuir, et elle est peu de chose. Permets que je m’y sauve – est-ce qu’elle n’est pas peu de chose ? – et que j’y vive !” Il lui répondit : “Je te fais encore cette grâce de ne pas renverser la ville dont tu parles. Vite, sauve-toi là-bas, car je ne puis rien faire avant que tu n’y sois arrivé.” C’est pourquoi on a donné à la ville le nom de Çoar. »
    Il avait oublié sa fatigue, s’était enfoncé dans son fauteuil et il se lissait la moustache entre le pouce et l’index, cherchant à deviner quel nouveau tour elle lui jouait. Il écoutait et, tout en l’écoutant, il s’attardait sur son visage, sur le mouvement de ses lèvres et le tremblement léger de son menton, sur le battement de son pied au rythme de ses phrases, sur cette façon qu’elle avait d’enrouler machinalement sur son index gauche les mèches de ses cheveux.
    — « Au moment où le soleil se levait sur la Terre et que Lot entrait à Çoar, Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu venant de Yahvé, et il renversa ces villes et toute la plaine, avec tous les habitants des villes et la végétation du sol. Or la femme de Lot regarda en arrière, et elle devint une colonne de sel. »
    — Une colonne de sel…, répéta Guillaume. Le châtiment de l’ange…
    — Votre oiseau blanc !
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