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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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maquignons braillards qui s’interpellaient en un patois auquel il ne comprenait rien, peu adapté à une rencontre entre gens de qualité. Aucune précision de jour et d’heure ne lui avait par ailleurs été donnée et Guillaume s’étonnait de ce qu’aucun message ne lui ait été remis à son arrivée. Bah, pensa-t-il, peut-être me suis-je trop pressé. M. de Chabas ne m’attendait que ce soir ou demain.
    La touffeur de la pièce l’indisposa à tel point qu’il se décida à prendre l’air.
    Des nuages considérables dérivaient dans un ciel bleu fané et jetaient des ombres sur les pavés. L’eau noire de l’Yonne frappait sans relâche les arches des ponts. Les quais étaient encore animés d’un marché qui finissait. Des paysans chargeaient des cageots sur des charrettes. Les boeufs des attelages reniflaient et frappaient du sabot dans la boue, faisaient crier les jougs en secouant leurs cous de bronze. Des femmes à fichu enfermaient dans des cages des oies attachées au cou. Il suivit une rue au hasard, puis une autre, guidé par les lumières des hôtels particuliers. Des carrosses, des haquets à tonneaux, des chariots et des chaises à porteurs l’accompagnaient de leurs bruits familiers et il fallut qu’il passât sous une voûte et prît une ruelle plus calme pour remarquer qu’il était suivi. « Deux hommes bottés, pensa-t-il, à quelques pas à peine, et dont la marche épouse exactement le rythme de la mienne. Suivi ? Mais par qui ? » En se cachant à son tour dans l’ombre d’un mur, il put voir surgir leurs silhouettes, éclairées faiblement par la lune : des capes étroites, des chapeaux à larges bords, une démarche d’hommes qui ne craignent rien. À certains mouvements qu’ils firent, il devina, battant leurs flancs, l’ombre effilée de leur épée. Ils avançaient au milieu des pavés sans chercher à se dissimuler. « Trop sûrs d’eux-mêmes pour être des voleurs, trop distingués pour être de simples coupe-jarrets, pensa Guillaume. Plutôt de ces lames que l’on paye pour assassiner quelqu’un. » Se pouvait-il qu’il y eût méprise et qu’ils le prissent pour un autre ? La probabilité était faible mais était-ce possible qu’il eût un ennemi en cette ville, où il n’était jamais venu et où personne ne le connaissait ?
    Il se résolut à se montrer.
    — Bonsoir, messieurs, dit-il en soulevant son chapeau.
    Les hommes eurent un mouvement de recul, puis, très vite, ils tirèrent leur arme. Guillaume posa par précaution sa main droite sur le pommeau de son épée.
    — Je crains de ne pas être celui que vous cherchez, dit-il d’une voix lente.
    — C’est possible, monsieur, dit le plus petit des deux. Nous souhaiterions nous en assurer, mon camarade et moi-même. Auriez-vous l’obligeance de vous reculer de quelques pas jusqu’à cette lumière que l’on aperçoit là-bas ?
    L’homme s’était exprimé en un français parfait, sans une once d’accent. Il baissa son arme et il y eut sur le pavé le tintement clair de son fer. Guillaume salua. Il n’avait pas de raison de compliquer une querelle qui ne pouvait le concerner. Sans quitter des yeux les inconnus, il recula en s’assurant, d’un pied ferme, qu’il ne risquait pas de glisser. D’une maison aux volets clos perçait en effet à ras du sol, d’une sorte de soupirail ouvrant sur des caves, une lumière verte. Elle venait caresser les pavés et leur donnait comme un velouté de vieille mousse puis, s’écrasant sur le mur d’en face, très proche, baignait la rue suffisamment pour qu’on pût distinguer les visages.
    Guillaume se plaça de façon à révéler ses traits.
    — Il n’y a point méprise, dit celui qui avait déjà parlé. Vous êtes celui que l’on nous a demandé de tuer.
    Les deux lames adverses se redressèrent et les hommes firent un pas vers lui. Le procureur n’avait plus le choix, il tira d’un geste sec sa lame qui siffla dans la nuit.
    — Me tuer ? Diantre ! Et pour quelle…
    Il n’eut pas le temps d’achever sa phrase. Il dut contrer l’attaque sèche du plus petit puis, très vite, celle du plus grand qui l’attaquait de biais. Il recula devant la violence de l’assaut suivant. Il ne comprenait pas. Ces hommes étaient des professionnels. Qui avait pu… ? Il croisa le fer haut, le poing levé, l’épée tournée vers le bas, écartant avec un tintement sec la première lame qui revenait à la charge et n’eut que le
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