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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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Et le respect, cela te sera plus utile encore que l’eau, le pain et l’air pour respirer.
    En temps ordinaire, on conduisait les nouveaux sur la galère-ponton de la « vieille réale », grande carcasse désaffectée qui servait à la fois d’hospice pour les invalides et de bâtiment de dépôt pour les apprentis galériens. Les instructeurs disposaient d’un bon mois pour transformer les hommes en rameurs convenables : une semaine pour apprendre à voguer « sur le fer », à bord d’une galère à l’ancre, où on leur faisait entendre le sifflet et connaître les manoeuvres à coups de trique, et le reste à sortir dans la baie, quand le temps le permettait, à bord de la galère école. Mais la guerre était là, les beaux jours n’allaient pas tarder et une épidémie de fièvre quarteronne avait emporté au début de l’hiver une partie de la chiourme. Les capitaines étaient impatients de remplir leurs bancs avant le retour des courses en mer et graissaient pour cela la patte à l’administration.
    — Y a-t-il parmi vous des gens qui ont déjà ramé ? demanda Thomazeau.
    — Nous ! dit Guillaume en se désignant avec Lapardula.
    — Bien, vous serez dispensés et affectés dès aujourd’hui sur La Renommée .
    — Première nouvelle ! chuchota l’Italien.
    — Tu m’apprendras. Si je veux en savoir davantage, je dois être le plus rapidement possible mêlé aux autres galériens.
    Ils devaient encore passer devant le chirurgien réal pour une visite médicale des plus sommaires. Mais, alors que Guillaume traversait la cour comme ses camarades, deux pertuisaniers l’obligèrent à entrer dans une petite cellule, dans les sous-sols de l’infirmerie.
    Un judas s’ouvrit sur une autre pièce. Un visage apparut. C’était celui de M. de Montmor.
    — Je suis bien aise, monsieur, de constater que vous avez supporté le voyage.
    — La route est fort belle, dit Guillaume, et je l’ai faite en très agréable compagnie.
    Guillaume n’apercevait qu’avec peine les yeux fendus de l’intendant général et ses lèvres fines surmontées d’une moustache effilée, mais il devina le sourire appuyé, un peu crispé.
    — J’étais personnellement opposé au rôle qu’on entend ici vous faire jouer. Mais puisque Sa Majesté, bien conseillée, en a décidé autrement, nous devons l’un et l’autre nous incliner. Je vous aiderai du mieux que je pourrai.
    Guillaume approuva d’un mouvement lent du menton. Il n’était pas en mesure de refuser cette proposition.
    — Avez-vous quelque soupçon ? Des indices qui pourraient m’orienter ?
    — Le seul réseau que nous avons mis au jour est celui des huguenots. J’ai eu maille à partir, ces dernières années, avec ceux que l’on nomme les « opiniâtres » qui refusent de se convertir et reçoivent des secours de leurs frères de l’étranger. Je vous ferai passer, par un intermédiaire, des renseignements plus précis à ce sujet.
    Guillaume cligna des yeux. Les huguenots, encore ? Il les connaissait bien pour s’être opposé à leurs intérêts déjà à deux reprises, à Seyne-les-Alpes et sur le Mississippi. Et il avait quelque mal à les imaginer en faux sauniers par ailleurs assassins de dames de qualité. Mais rien n’était impossible, évidemment.
    — Je vous en remercie, finit-il par dire. Je souhaiterais d’autres informations.
    M. de Montmor parut surpris. Le ton de sa voix monta d’un cran vers l’aigu.
    — Je vous écoute.
    — Nous avons été pris en charge par une administration d’une redoutable efficacité, je vous en félicite. Derrière toutes ces fastidieuses formalités, des informations innombrables se collectent. Un registre regroupe tous les faux sauniers, un autre sans doute les huguenots.
    — C’est exact.
    — Je les veux, le plus vite possible. En outre, j’ai pris soin de noter que les papiers des chaînes sont soigneusement archivés, rangés par liasses mois et année, dans des armoires du 5 e  bureau, avec pour chaque forçat le détail judiciaire de sa condamnation, qui l’a jugé, quand, pourquoi et pour combien de temps. Je veux pouvoir accéder à ces informations.
    — Je ferai mon possible. Mais il faut prendre garde à ne pas vous faire démasquer. Autre chose ?
    — Oui. Avez-vous des nouvelles de Delphine ?
    M. de Montmor mit quelques secondes à répondre. Guillaume de nouveau devina plus qu’il ne vit l’intendant général se lissant la moustache.

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