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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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général ?
    L’homme parut tout d’abord ne pas comprendre puis il partit dans un gros rire qui le fit tousser et cracher gras.
    — Tu veux lui rendre visite ?
    — Ça se fait, non, quand on est bien élevé ?
    — Tu me plais, toi. C’est là-bas, mon gars. On la voit de la fenêtre. On appelle ça la maison du roi.
    Guillaume se leva de son siège et se pencha. Une façade bordée d’arcades alignait entre ses colonnes, dans la perspective la plus rigide, des vitres à travers lesquelles flottaient les nuages du ciel. Derrière un porche, on devinait des jardins, des allées calmes sous les arbres.

    5.
    M. de Montmor vint en personne les accueillir dans la cour du Jardin du Roi. Delphine fut de nouveau surprise par ce visage de félin rusé, par le soleil qui éclatait dans son regard et son sourire, par cette chevelure d’un blond ardent qui lui faisait comme une crinière de lion. Il portait un justaucorps rouge foncé, à poches basses, manches longues et évasées, une cravate de dentelle, un chapeau de plumes blanches. Il n’avait pas d’autre ornement qu’une double épingle en diamants qui, à la hauteur des épaules, retenait sa cape d’été. Ses souliers disparaissaient sous les rubans.
    — Mesdames, dit-il en ôtant son chapeau et en leur offrant la plus belle des révérences, la maison du roi n’a jamais accueilli de visiteuses plus charmantes. Je vous souhaite la bienvenue.
    Delphine de nouveau éprouva un sentiment de peur et quelque chose en elle se figea. Il ne fallait rien céder à cet homme, elle le sentait. Quand, après avoir aidé Mme d’Orbelet à descendre, il lui offrit la main et que ses yeux de chat cherchèrent les siens, elle se déroba et refusa son bras. Mais posant pied à terre, après des heures de route, elle dut s’y reprendre à deux fois pour trouver l’équilibre et il en profita pour la soutenir.
    Le geste l’indisposa et elle ne put s’empêcher de croiser aussitôt le fer.
    — C’est bien d’honneur, monsieur, pour une femme de forçat.
    Il sembla décontenancé et recula d’un pas comme si l’on venait de le souffleter. Son visage trahit l’étonnement, un début de colère, puis une sorte d’amusement.
    Dans son costume de voyage, ses cheveux retenus par l’arrière en chignon, Delphine ressemblait à un page de conte. Elle portait une petite redingote d’homme, à collet de velours, avec des poches sur les côtés dans lesquelles elle mettait ses mains. Fermée sur la poitrine par deux rangs de boutons, la veste lui serrait au corps en lui dessinant les hanches, flattant sa taille et, de là, les plis nombreux de sa robe pervenche s’ouvraient en corolle mais sans cerceau ni vertugadin et suggéraient plus qu’ils ne cachaient des fesses rebondies et des jambes que l’on devinait parfaites.
    Elle attendit sa réponse. Des mots qu’il allait prononcer dépendait, ils le pressentaient l’un et l’autre, l’avenir de leurs relations.
    — Madame, dit-il, M. de Lautaret est un homme admirable, un gentilhomme qui n’a pas hésité à risquer sa vie pour le service de son roi. Et quand je vous regarde, je mesure l’étendue de son sacrifice.
    Elle chercha dans ses yeux à mesurer quelle était sa sincérité. Il voyait maintenant son visage en pleine lumière et s’émerveillait de la force et de la faiblesse qui tout à la fois s’y pouvaient deviner.
    — Avez-vous, monsieur, de ses nouvelles ? A-t-il supporté le trajet ?
    — Soyez rassurée, madame. Il est là et en parfaite santé. Nous veillons discrètement sur lui.
    — Pourrai-je le voir ?
    — Dès que M. de Chabas en conviendra. Sa voiture est partie de Paris quelques jours après la vôtre. Il ne devrait pas tarder.
    Elle hocha lentement la tête. Toute la fatigue du voyage soudain lui tombait dessus.
    — Il va avoir besoin de nous, ajouta M. de Montmor. De vous comme de moi.
    Le chemin qui menait jusqu’aux marches lui parut démesurément long et la distance, au-dessus de ses forces. Elle l’invita à lui donner la main.

CHAPITRE IX
    1.
    Au soir, épuisés et fourbus, Guillaume et Lapardula, ainsi que trois autres de leurs camarades, furent conduits par deux argousins à l’habit brun doublé de vert sur la galère La Renommée , dont le capitaine était un nommé Jean Contrucci. C’était un nobliau des environs de Marseille, petit et sec, le visage tout en long et l’oeil frisé qui avait gagné l’honneur de mettre sa bourse et son épée dans

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