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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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serait bête de mourir sans un dernier plaisir. Sois sans crainte. Tout va bien se passer.
    Il cherchait à remonter le caleçon du jeune procureur.
    Et puis, tout alla très vite. Lapardula se dressa d’un coup comme mû par un ressort et sans que Philistin eut le temps de se dérober, il lui saisit le bras qui tenait l’arme, le tordit en arrière. Mustapha s’était à son tour levé et, sans chercher à comprendre, il assena au galérien un si terrible coup de boule qu’on entendit craquer les os de son crâne.
    Guillaume se retourna et attrapa à la jambe son autre agresseur qui tentait de s’enfuir, en criant comme une bête menée à l’abattoir. Autour d’eux, les hommes se réveillaient un à un. Les pertuisaniers couraient sur la coursie en brandissant le fouet et ils les rouèrent de coups un peu à l’aveuglette. Ils furent contraints de relâcher leurs proies. Le corps de celui que Mustapha avait assommé fut soulevé et disparut comme par enchantement. L’autre fila sans demander son reste.
    — Eh quoi ! hurla Guillaume à l’attention des gardes. À quoi servez-vous, nom de Dieu !
    Déjà les pertuisaniers, furieux, se retournaient vers lui.
    — Tais-toi donc, lui dit Lapardula. Ne comprends-tu pas qu’ils sont complices ? Ils vont s’acharner sur toi.
    Le fouet claqua au-dessus de sa tête. Une lanterne vint éclairer leur banc, mais comme le comite, responsable de la galère, s’était à son tour réveillé et demandait des explications, la soldatesque s’éloigna pour rendre son rapport.
    — Ce n’était peut-être pas un hasard, chuchota Lapardula. C’est toi qu’ils étaient venus voir.
    — Tu veux dire que…
    — Oui. Tu es sans doute repéré… ou dénoncé. Il va falloir être très vigilant.
    Guillaume renonça à dormir. Il s’enroula un peu plus dans sa capote. Son regard se porta vers l’arsenal, en direction de la maison du roi. Delphine était-elle arrivée ?

    2.
    Les chambres que M. de Montmor avait préparées à l’attention de Delphine et de Mme d’Orbelet s’ouvraient sur des jardins et de grandes volières pleines d’oiseaux curieux, venus du monde entier, que l’intendant achetait sur le port. Des perroquets lilas, des cacatoès à huppe jaune, des aras bleus à ventre rouillé, des toucans à bec écarlate, des perruches et des loriquets s’ennuyaient sur des perchoirs. De grands paons battaient lentement leurs traînes vert bronze et bleu émeraude. Des autruches tristes tournaient en rond. M. de Montmor, pensa Delphine, aime décidément mettre les êtres en cage.
    La sienne était dorée, elle devait bien l’admettre. Beaucoup d’espace, peu de meubles, un lit douillet à baldaquin, débordant de coussins, une coiffeuse, de grands coffres, des tables basses. Un peu partout, on avait disposé des tisanes, des sirops, des surtouts d’argent couverts de tasses de confitures sèches, prune, cerise et orange confite, et de grands vases débordant de fleurs.
    Un grand feu de bûches flambait dans une cheminée, face à de vastes croisées ouvertes sur la nuit, dans un mélange étrange et délicieux de chaleur suffocante et de fraîcheur glacée. Sans qu’elle l’eût demandé, des laquais en livrée mais à tête rasée, obséquieux, tatoués, avaient monté des seaux d’eau chaude et rempli en silence une baignoire-sabot en argent décoré.
    Quand ils se retirèrent, Delphine hésita. Jeannette défaisait les bagages. Il lui semblait qu’à se déshabiller dans ce lieu inconnu, dans cette chambre où elle était encore une étrangère, elle commettrait un crime, pire même, envers Guillaume, comme une trahison. L’eau fumait, à mi-distance de l’âtre et des croisées ouvertes. Elle défit ses lacets, laissa tomber ses robes, piétina avec une rage qui la surprit le flot tumultueux de ses jupons. Nue, face au ciel, elle resta un instant immobile, surprise, frémissante, le dos rôti par la flamme et la face caressée par la brise. Des bruits couraient des escaliers et montaient des étages. Des boiseries craquaient. Elle caressa ses reins et soupesa ses seins, tourna sur elle-même. Les flammes de l’âtre faisaient flamber sur sa peau comme des touches de volupté. Pour la première fois depuis longtemps, quelque chose en elle se réchauffait. Elle s’approcha de la baignoire et s’assura de la main de la température du bain. Les rideaux battaient lentement dans le vent. Des nuages en lambeaux dérivaient dans le ciel. Elle

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