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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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davantage encore, j’ai eu, je le concède, un moment d’égarement. N’en abusez pas.
    Il lâcha de nouveau un rire rapide, deux éclats qui sonnèrent comme deux coups de feu et il s’approcha encore un peu plus. Il était à moins d’un pouce d’elle comme s’il voulait la respirer et observer la moindre parcelle de son visage. Elle-même le découvrait, perçait cette illusion féline qui dissimulait d’autres détails : une figure très pâle, un peu maigre, presque sifflante, ombragée de lourds cheveux blonds, avec une bouche mince et profonde soulignée d’une moustache au pinceau, un hâle de seigle, une peau délicate où l’on voyait de partout le sang battre, le sang à fleur des joues, éclatant sous les lèvres, le front, les tempes.
    — Un moment d’égarement ? Quel joli nom pour la chose, dit-il. Vous êtes délicieuse. Mais vous vous êtes donnée et, rappelez-vous ce que disent les enfants : donner c’est donner, reprendre c’est voler. L’avez-vous oublié ? Vous êtes à moi, Delphine, que vous le vouliez ou non.
    — Je suis mariée et…
    Son visage se figea. Ses pupilles bleues parurent se remplir d’une eau trouble.
    — Vous vous trompez. M. de Lautaret a été condamné aux galères à perpétuité. Si, ce faisant, il a échappé à la mort physique, il a été frappé de mort civile. Plus de biens, plus de droits. C’est comme s’il n’avait jamais existé. Votre mariage est de fait annulé.
    — Vous m’aviez promis de le libérer, dit-elle en tremblant.
    — Mais ne comprenez-vous pas ? dit-il en se dressant et en haussant le ton. Il a vécu au milieu de la racaille, dans la vermine et les excréments. Même si je le force à sortir, il s’est à jamais souillé ! La peine des galères fait déroger le noble, interdit à jamais de témoigner en justice, de prêter serment, d’occuper un office ou un bénéfice, de venir à Paris. Vous êtes libre, vous dis-je !
    — Alors, laissez-moi partir !
    Il était à genoux au milieu du lit, sans rien pour le couvrir. Le soleil flattait son ventre creux, ses cuisses longues, son corps tout armuré de muscles.
    — Jamais, dit-il avec un ton qui était redevenu très calme. Vous ne partirez plus jamais d’ici.
    Et d’un geste rapide, il lui arracha le drap. D’un mouvement inversé, aussi preste, désespéré, elle tenta de cacher sa poitrine et son sexe. Mais il lui saisit les poignets, la força à écarter les bras, à se montrer dans toute sa nudité. Il la plaqua contre lui, baisa d’une bouche avide tout ce qui se présentait à portée de ses lèvres. Elle tentait de crier, mais aucun son ne sortait de sa gorge. Il s’affala sur elle, glissa sa jambe entre les siennes, l’obligea à ouvrir les genoux. Sa main s’immisça jusqu’à son entrecuisse. Il se dégagea un peu pour admirer sa toison dont la blondeur contrastait avec la blancheur des cuisses sur lesquelles on voyait les muscles se tendre pour tenter de se dégager, la flatta de la paume, tout doucement, comme s’il caressait la fourrure d’un animal craintif.
    — Vous êtes à moi, Delphine, et cela ne vous déplaît pas, avouez-le…
    Elle tenta de le mordre. Il poussa un cri, la gifla, une fois, deux fois. Très vite, il la saisit de nouveau par les poignets, la crucifia sur les draps.
    — … à moi ! cria-t-il en la pénétrant d’un mouvement brusque.
    Quand il eut fini, quand il fut parti, elle se mit en boule sur le lit et laissa couler ses larmes sans retenue. Elle crut qu’elle ne pourrait plus jamais se relever de cette déchéance.
    — Delphine ?
    C’était la voix de sa mère. Elle leva la tête. Mme d’Orbelet se tenait au milieu de la pièce, habillée curieusement d’une longue jupe en tissu grossier, avec un châle sur les épaules, un fichu sur les cheveux, tenant dans les mains une pile de vêtements.
    — Mon Dieu, ma mère, dit-elle, j’ai si honte !
    — Nous nous lamenterons plus tard, dit Mme d’Orbelet. J’ai entendu M. de Montmor donner des ordres pour renforcer notre surveillance. Nous n’avons que peu de temps. Dépêchez-vous de vous habiller.
    — M’habiller ?
    — Nous partons sur l’instant. Nous fuyons M. de Montmor.
    — Mais pour aller où ?
    — Nous n’avons pas le choix : à l’église Saint-Martin, demander la protection de Mme Fabre-Boyer. Une lingère a accepté de me vendre ses habits. Hâtez-vous, ma fille.

    3.
    Des portefaix attendaient, adossés aux palissades

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