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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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descendirent d’un pas hésitant, décontenancées par l’odeur fade, écoeurante, qui montait du marché, par ces allures de souk oriental, par cette foule bigarrée où toutes les races semblaient se côtoyer, qui riait fort, parlait haut, s’interpellait et se poussait du coude. Flavius, qui était brave garçon, leur proposa de les attendre un peu, au cas où leur rendez-vous serait un échec.
    L’église était fermée. Elles tambourinèrent à la porte. Il fallut bien dix minutes avant que quelqu’un ne consentisse à soulever le judas.
    — Nous cherchons Mme Fabre-Boyer, dit Mme d’Orbelet. Nous sommes des amies.
    — Je ne connais personne de ce nom, dit une voix d’homme derrière la porte. Passez votre chemin.
    Elles durent taper de nouveau à plusieurs reprises pour que le judas se soulève une seconde fois.
    — Que lui voulez-vous, à Louise ?
    C’était cette fois la voix d’une femme.
    — Nous sommes dans l’embarras, dit Mme d’Orbelet. Nous avons besoin de son aide.
    La porte finit par s’ouvrir. Une tête ridée, un museau de belette, apparut sur le perron de l’église. Une vieille à cheveux gris, avec un tablier et un foulard autour du cou, fit un pas vers elle pour mieux les voir.
    — Pauvres pécheresses ! Filles perdues ! s’exclamat-elle. Louise est-elle donc votre seul salut ?
    — Le seul, dit Mme d’Orbelet un peu désarçonnée. Nous devons la rencontrer d’urgence.
    — Que Dieu vous garde dans sa miséricorde ! On peut la joindre aux Trois Malouins, au Coin de Reboul, près de la place Vivaux.
    Flavius fit la moue et les regarda avec un drôle d’air.
    — Aux Trois Malouins ? Pour sûr que je connais.
    Et comme Delphine s’inquiétait de l’endroit, le jeune porteur de chaise ajouta avec un demi-sourire.
    — C’est un bordel à matelots.

    4.
    — Je la retrouverai, dit M. de Montmor en fouettant l’air de son épée.
    Il était vêtu de blanc du col de la chemise jusqu’aux bottes. Un ruban d’un bleu glacé, semblable à celui des ses yeux, retenait ses cheveux blonds en catogan. Il salua le capitaine des gardes et Thomazeau, l’écrivain du 5 e  bureau, et partit, le long des galeries de la salle d’armes, dans un étourdissant enchaînement de feintes et de moulinets.
    C’était un endroit magnifique, la fierté de l’arsenal, la plus belle salle d’Europe. Sur d’immenses râteliers s’alignaient une forêt de piques, plus de dix mille mousquets, autant de sabres. De grands boucliers à l’antique, des pavois de chefs gaulois, grimpaient le long des murs comme les écailles d’une carapace de tortue. Un soleil illuminait l’ensemble, un soleil d’un diamètre de trente pieds portant au centre le portrait du roi et dont les rayons étaient formés d’un éventail de pertuisanes, de lames bleutées, de baïonnettes éblouissantes.
    De galerie en galerie, M. de Montmor sautait, tournait, parait, contre-attaquait, fendait l’air de son épée en de violents moulinets dont les sifflements se perdaient jusqu’aux hauts plafonds de la salle. Sur ce parquet baigné de lumière blonde, transpercé de rais de poussière, c’était une danse magique, une chorégraphie de fer et de lame, un rut d’agilité et de violence mêlées. Les sifflements de l’arme, les halètements de l’homme, le tambour des talons percutant le sol, s’entremêlaient en une longue guirlande d’argent et de limaille qui ciselait le silence vertigineux de la salle d’armes.
    C’était là qu’il avait reçu en 1701 les ducs de Bourgogne et de Berry, petit-fils de Louis XIV, là qu’en 1702 le jeune roi d’Espagne, Philippe V, s’était émerveillé, là que M. de Montmor aimait venir s’étourdir lorsque, comme en ce jour, la colère le submergeait.
    Les femmes de chambre l’avaient averti très vite : ses invitées s’étaient enfuies, abandonnant l’essentiel de leurs effets. Ses ordres avaient fusé dans l’instant. Il avait envoyé ses hommes aux portes de la ville, avait prévenu la sénéchaussée et les échevins de ce que ces femmes l’avaient volé et qu’il fallait empêcher leur fuite. Il avait activé le réseau de ses informateurs. Comment pouvaient-elles lui échapper ?
    — Elle va tenter de reprendre contact avec ce Guillaume de Lautaret, dit M. de Montmor en revenant vers Thomazeau.
    Il était en nage. Des gouttes de sueur perlaient sur ses tempes et sur son front. Son regard continuait les mouvements d’estocs et de

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