Les grandes dames de la Renaissance
mission de se rendre à Blois, où se trouvait la Cour, et de s’emparer de François II.
L’attaque du château avait été prévue pour le 10 mars 1560, et tout était prêt lorsqu’un avocat protestant, Pierre des Avenelles, qui avait eu vent du complot, alla révéler ce qui se tramait à François de Guise.
Affolé, le duc mena la Cour à Amboise, qui était alors une puissante forteresse, et, loin de se douter qu’il créait une situation digne d’un vaudeville, demanda au prince de Condé de venir se mettre au service du roi.
Le chef protestant était un homme prudent. Ne sachant comment allaient tourner les événements, il se rendit à l’invitation de Guise et se déclara prêt à défendre le château contre toute attaque.
— Si des ennemis du roi ont des intentions belliqueuses, qu’ils viennent, dit-il avec un joli mouvement de menton. Nous saurons les recevoir !…
Le 17 mars, La Renaudie, qui avait dû modifier son plan, marcha sur Amboise. Il n’alla pas loin ; un soldat l’abattit dans la forêt… Aussitôt, le duc de Guise fit battre en tous sens les bois environnants et ramassa les conjurés fugitifs. Interrogés et « mis à la question », la plupart d’entre eux avouèrent qu’ils avaient pour chef le prince de Condé.
— Attendons d’avoir des preuves, dit le duc de Guise au jeune roi.
Mais François II était impulsif. Il courut dans le salon où pérorait Condé et lui cria :
— Il y a des gens qui me courtisent et me trahissent. Un jour, s’il plaît à Dieu, je leur en ferai repentir.
Et il donna un violent coup de poing sur la table.
Le prince de Condé était prêt à toutes les trahisons ; pour montrer ses bons sentiments, il désigna un groupe de conjurés qui traversaient le jardin, encadrés par des gardes, et dit d’un ton ferme :
— Il faut tous les pendre, sire !
Dès le lendemain, les exécutions commencèrent. Les protestants furent décapités à la hache, pendus par grappes aux merlons du château ou jetés dans la Loire avec des pierres aux chevilles… Toute la Cour, y compris M. de Condé, assista à ces massacres, jusqu’au moment où l’odeur du sang et des cadavres incommoda la délicate Marie Stuart :
— C’est intenable ici, allons ailleurs !
Et l’on partit sur-le-champ s’installer à Chenonceaux, tandis que des sous-ordres finissaient rapidement et sans entrain de tuer les derniers conjurés…
Cette terrible répression stupéfia le royaume, mais plut beaucoup au pape. Dans une lettre fort affectueuse, le Saint Père félicita chaleureusement le cardinal de Lorraine et lui envoya, en témoignage de reconnaissance, un tableau de Michel-Ange représentant la Vierge tenant son Fils dans ses bras.
Ce cadeau fut cause d’une savoureuse mystification qui ne fit d’ailleurs qu’envenimer un peu plus les rapports entre catholiques et protestants.
Rien ne serait arrivé si le courrier, porteur de la toile, n’était tombé malade en route et n’avait chargé de sa mission un marchand lucquois qui se disait de la Maison du cardinal de Lorraine. Or ce Lucquois était luthérien. Arrivé à Paris, il fit faire, par un peintre de ses amis, un tableau de même grandeur que celui de Michel-Ange, « mais, nous dit un chroniqueur, d’une piété moins grande ». En effet, le cardinal de Lorraine, la reine Marie Stuart, sa nièce, la reine mère et la duchesse de Guise « estoient peint au vif, nus, ayant les bras au col et les jambes entrelacées, l’un avec l’autre… »
Soigneusement empaqueté, ce nouveau tableau fut porté, avec la lettre du pape, chez le cardinal de Lorraine qui était, pour lors, en train de déjeuner avec le cardinal de Tournon, le duc de Montpensier et le duc de Guise. Après avoir lu à haute voix la lettre du Saint Père, il fit défaire le paquet.
Alors « apparut la représentation diabolique de ces entrelacements sensuels qui n’avaient rien de commun avec la Vierge envoyée par le chef de la Cour romaine ». Les convives, les yeux hors de la tête, considérèrent ce tableau « avec une colère à peine tempérée par l’intérêt du sujet ». Puis, lorsque tout le monde s’en fut bien rassasié, un valet alla le brûler sur l’ordre du cardinal de Lorraine. « Lequel cuidant que ce fussent les huguenots qui luy eussent joué ce tour, leur a causé beaucoup de maux qui leur sont depuis survenus », nous dit un auteur du temps [171] .
Le complot
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