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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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détendirent.
    — Est-ce que la duchesse de Valentinois est venue ? demanda-t-elle.
    — Pas encore, lui répondit-on.
    Elle eut l’air soulagé et dit simplement :
    — Eh bien ! je lui interdis d’entrer ici.
    Puis elle fit appeler Ambroise Paré, un chirurgien ordinaire du roi.
    Une demi-heure plus tard, l’illustre praticien était là. Il regarda, en connaisseur, le trou qu’avait fait la lance de Montgomery, se fit conter par le menu les circonstances de l’accident et attira la reine près de la fenêtre :
    — Avez-vous quelques condamnés à mort, actuellement, dans vos prisons ?
    Catherine de Médicis eut l’air étonnée.
    — Oui, sans doute.
    — Parfait. Qu’on en exécute immédiatement quatre et qu’on les apporte chez moi. Je veux me livrer à quelques expériences avant d’opérer le roi.
    La reine aussitôt donna des ordres, et un garde courut à la Bastille, tua quatre prisonniers qui moisissaient dans un cachot, chargea leurs corps sur un chariot et conduisit le tout chez Ambroise Paré.
    Le chirurgien, sur le pas de la porte, attendait, entouré de ses élèves.
    — Entrez, dit-il, et mettez ces cadavres sur la table.
    Lorsque tout fut en place, Ambroise Paré s’arma d’un grand bâton pointu, de la même grosseur que la lance de Montgomery, et, d’un coup sec, voulut l’enfoncer dans l’œil droit du premier cadavre. Mais, dans sa hâte, il visa mal, et le morceau de bois entra dans la bouche.
    — Raté ! dit-il d’un ton irrité.
    On jeta le corps inutilisable dans un coin de la pièce, et Ambroise Paré se précipita, bâton levé, sur le second. Plus heureux cette fois, il lui creva l’œil. Seulement, le bâton avait un peu dévié vers le milieu du crâne au lieu de se porter vers l’oreille, comme l’avait fait l’arme de Montgomery.
    Tout était donc, de nouveau, à recommencer.
    Agacé, le chirurgien passa au troisième cadavre. Mais, rendu nerveux par ses premiers échecs, il agit avec trop de hâte et enfonça le bâton dans la tempe. Le coup arracha l’oreille, et le troisième cadavre, comme les deux autres, fut gâché.
    Déjà, le garde qui assistait à cette curieuse scène se demandait s’il n’allait pas devoir retourner à la Bastille abattre d’autres prisonniers, quand le chirurgien envoya son bâton dans l’œil du quatrième « défunct ». Cette fois, il réussit magnifiquement : la blessure était exactement celle du roi. Il prit un air modeste, mais ses élèves l’applaudirent.
    Sans se laisser troubler, Ambroise Paré se pencha sur le visage qu’il venait d’éborgner, glissa un doigt à l’intérieur de l’orbite vide, tâta longuement les aspérités de la déchirure (ce qu’il n’aurait osé faire dans la tête du roi), ramena quelques lambeaux de chair, quelques débris d’os et fit la grimace.
    — Il y a bien peu d’espoir, dit-il.
    Puis, s’étant muni d’un maillet, d’une scie et d’une paire de tenailles, il retourna aux Tournelles pour tenter une opération délicate.
     
    Pendant que le plus grand chirurgien du siècle essayait de trépaner le roi de France avec des outils de tonnelier, Diane de Poitiers, à qui on avait rapporté les paroles de la reine, roulait vers Anet en compagnie de François de Guise. Muette, crispée, elle devait penser sans doute que ce voyage un peu précipité ressemblait fort à la fuite de M me  d’Étampes pendant l’agonie de François I er , douze ans auparavant…
    Pourtant, elle espérait encore, faisant confiance à Ambroise Paré qu’elle savait au chevet de son amant…
    Hélas ! le chirurgien avait finalement renoncé à l’opération. S’étant penché sur la plaie, il avait constaté une « altération en la substance du cerveau qui estoit de couleur flave ou jaunâtre, environ la grandeur d’un pouce, auquel lieu estoit un commencement de putréfaction ».
    Écœuré, il rangea ses outils et prescrivit quelques remèdes propres à atténuer la douleur.
    — Il n’y a qu’à attendre, dit-il.
    Alors, Catherine de Médicis oublia un peu son chagrin pour songer à sa haine, et chargea un messager d’aller à Anet réclamer à Diane de Poitiers les joyaux de la couronne.
    La favorite reçut avec morgue l’envoyé de la reine.
    — Le roi est-il mort ? demanda-t-elle.
    — Non, Madame, mais il ne saurait passer la nuit.
    — Eh bien ! je n’ai donc point encore de maître, et je veux que mes ennemis sachent que, même quand ce prince ne

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