Les grandes dames de la Renaissance
sera plus, je ne les craindrai point. Si j’ai le malheur de lui survivre, ce que je n’espère pas, mon cœur sera trop occupé de sa douleur pour que je puisse être sensible aux chagrins et aux dégoûts qu’on voudra me donner [169] .
Le messager revint les mains vides, et les jours passèrent.
Enfin, le 10 juillet, le roi, qui n’avait pas repris connaissance, expira doucement [170] .
Le lendemain, une lettre humble parvenait à Catherine de Médicis. Elle était signée Diane de Poitiers.
Pour la première fois de sa vie, l’ex-favorite baissait le front et s’humiliait. Elle, qui, quelques semaines plus tôt, disait « Nous » en parlant de la famille royale, qui mettait son nom à côté de celui du roi sur les lettres officielles, qui commandait aux ministres et aux généraux, n’était plus rien qu’une vieille femme angoissée dont l’avenir se trouvait entre les mains de celle qui la haïssait le plus au monde.
Alors elle demandait pardon à la reine de ses offenses et « offrait ses biens et sa vie… » Un coffret accompagnait cette lettre. Il contenait les joyaux de la couronne…
Catherine de Médicis, sachant quelle force représentait encore la duchesse de Valentinois, amie des Guises, se montra généreuse.
— Je désire seulement que « la Mère Poitiers » ne reparaisse jamais à la Cour, dit-elle.
Et elle lui laissa tous ses biens, sauf le château de Chenonceaux qu’elle lui échangea contre celui de Chaumont.
Haïe du peuple, abandonnée de presque tous ses amis, Diane de Poitiers s’enferma dans son palais d’Anet et vécut dès lors dans un exil doré.
Rassurée sur ce point, Catherine de Médicis s’occupa de faire sacrer son fils François, âgé de quinze ans. La cérémonie eut lieu à Reims, le 18 septembre 1559.
Le nouveau roi de France, qui avait épousé l’année précédente la gracieuse reine d’Écosse Marie Stuart, était chétif, boutonneux et atteint de végétations adénoïdiennes qui l’obligeaient à tenir sans cesse sa bouche ouverte. En outre, il possédait un abcès suintant derrière l’oreille…
Cet état maladif tourmentait Catherine de Médicis qui accusait en secret Marie Stuart, pourtant guère plus âgée que François II, d’avoir un tempérament trop exigeant pour le débile roitelet.
En réalité, la jeune Écossaise ne parvenait point, malgré des efforts constants, à se faire manquer de respect par son époux. Non que celui-ci fût candide au point d’ignorer ce qu’il convient de faire pour être poli avec sa femme, mais parce que, nous dit un chroniqueur, « il avait les parties génératrices constipées ».
Aussi la pauvre petite reine, bien que mariée depuis un an, était-elle encore jeune fille.
Parfois, le jeune roi, sentant se manifester l’amorce d’une promesse, entraînait bien vite Marie Stuart sur un lit ; mais, au premier obstacle, ses forces se dérobaient et tout retombait dans l’insignifiance.
De tels efforts, naturellement, le laissaient épuisé et Catherine de Médicis s’alarmait.
Son inquiétude allait croître brusquement.
En effet, le jeune roi, que ses défaites rendaient malheureux, se mit à faire des exercices violents dans le but de se fouetter le sang et de gagner cette virilité dont rêvait l’infortunée petite reine.
Et un jour, on ne sait ni où, ni quand, Marie Stuart connut l’apaisement tant désiré. À partir de ce moment, François II, assez satisfait de lui, se crut un homme et s’intéressa aux affaires de l’État. Imprudence qui allait le mettre à deux doigts de sa perte…
Ignorant tout de la politique, peu intelligent, crédule, il se lia aveuglément aux Guises qui demeuraient en relations étroites avec la grande sénéchale. Car Diane, dont les protestants s’étaient crus débarrassés après le coup de lance de Montgomery, continuait la lutte de fond de son exil. Et, par l’intermédiaire des Guises, elle parvint à inciter le jeune roi à redoubler de rigueur dans la poursuite des réformés. De nouveaux bûchers s’enflammèrent dans toute la France…
C’est alors qu’excédés, les protestants décidèrent d’enlever le jeune souverain afin de le soustraire à l’influence des Guises et de Diane.
Le prince de Condé était le chef secret de ce complot qu’on appela par la suite « la Conjuration d’Amboise » ; mais l’entreprise devait être conduite par un homme de main, nommé La Renaudie, qui avait pour
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