Les grandes dames de la Renaissance
où elle était venue s’installer à sa Cour.
— C’est le Ciel qui me l’a envoyée, disait-il souvent.
En réalité, c’était Louis XI.
Le rusé roi de France, en effet, qui voulait avoir un agent de renseignements en Bretagne, avait chargé Antoinette de faire la conquête de François II. La chose, il faut bien le dire, avait été aisée. Dès l’arrivée de la dame de Maignelais, le duc, ébloui, avait mis sa femme, Marguerite de Bretagne, à l’écart et s’était montré galant homme. Après un compliment joliment tourné, il avait conduit la belle dans une chambre isolée, puis, sous le prétexte – ô combien spécieux – que la journée venait de finir, il l’avait engagée à se mettre au lit…
Antoinette, qui s’était fait donner quelques leçons par des dames connues pour leur espièglerie, avait, dès la première nuit, émerveillé François par sa fantaisie et son goût du détail.
— Quelle imagination ! s’était écrié le duc, un peu essoufflé.
Le lendemain, il lui avait offert, en remerciement, le domaine de Cholet.
Naturellement, la pauvre duchesse de Bretagne avait beaucoup souffert du comportement de son époux. D’autant que François II s’étant affiché dès le premier jour avec sa nouvelle favorite, tout Nantes en avait parlé. Finalement, Marguerite était tombée malade.
Pendant quelque temps, Louis XI avait reçu, par messages secrets, des renseignements fort précieux sur la Cour de Bretagne. Puis les lettres s’étaient espacées et, un jour, Antoinette n’avait plus rien envoyé.
Le roi s’était demandé la raison de cette trahison. Comment aurait-il pu deviner, lui qui n’aimait personne, que la « favorite par ordre » avait fini par se prendre au jeu et tomber amoureuse du duc de Bretagne ?
La vérité l’avait rempli de stupeur. Et l’on imagine son désappointement en apprenant qu’Antoinette, non contente de procurer des joies physiques à son amant, avait vendu ses bijoux pour renflouer le trésor ducal en difficulté.
Au décès de Marguerite de Bretagne, tout le monde avait cru qu’Antoinette se ferait épouser pour que ses bâtards fussent légitimés. Mais elle n’en avait rien fait, et François II s’était remarié avec Marguerite de Foix – laquelle avait dû, naturellement, accepter la présence de la favorite sous le toit conjugal…
Les deux femmes entouraient gentiment, et sans aucune hostilité apparente, le bouillant duc de Bretagne, lorsque Louis d’Orléans arriva à la Cour.
Celui-ci fut tout de suite séduit par Antoinette, bien qu’elle eût alors près de vingt ans de plus que lui. À la fin d’un tournoi, il s’approcha d’elle au moment où elle remettait le trophée au chevalier vainqueur.
— Mon plaisir serait grand, lui murmura-t-il, de vous enseigner le secret de certaines joutes connues seulement en mon pays.
— Beau sire, répondit Antoinette sans se troubler, plus n’ai besoin d’apprendre en cette matière. Et, quand cela serait, je réserve ce rôle de maître à mon seigneur… Sachez-le…
C’était la première fois que Louis d’Orléans rencontrait une femme fidèle. Il la considéra dès lors avec un mélange d’admiration et d’agacement.
François II avait eu de sa seconde femme, Marguerite de Foix, une fillette fort gracieuse que toute la Bretagne adorait « pour ce qu’elle étoit jolie et qu’elle s’appeloit Anne ». Louis d’Orléans lui avait été présenté dès son arrivée à Nantes. Naturellement, cette gamine de huit ans l’avait laissé indifférent.
Mais quand il la revit, après l’échec essuyé auprès d’Antoinette de Maignelais, il fut troublé. Comme il avait le goût des contrastes, ce fruit vert lui parut fort désirable. Il envisagea aussitôt de faire annuler son mariage avec la pauvre Jeanne qui se morfondait toujours en Berry, et d’épouser l’héritière du duché de Bretagne.
L’idée n’était pas mauvaise, car, comme le dit un historien avec quelque grandiloquence : « Pour la première fois, le désir du débauché pouvait permettre à l’ambitieux de réaliser une excellente opération politique… [24] »
Il se mit incontinent à faire des cadeaux à la fillette qui les reçut avec joie. Finalement, ayant donné l’assurance à François II que son mariage « forcé » avec Jeanne pouvait être facilement cassé par Rome, il se fiança secrètement à la petite Bretonne.
Anne de Beaujeu, qui
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