Les grandes dames de la Renaissance
part, Sire, ne puis que prier Celui qui donne les puissances leur donner l’heur de vous faire services agréables… Votre très-humble et très obéissante sujete et servante
Françoise de Foix [68] .
En recevant cette lettre si claire pour un homme de son espèce, habitué aux ruses féminines, le roi comprit que Françoise avait déjà accepté d’être sa maîtresse…
Cette idée le rendit de fort bonne humeur et le plaça dans d’excellentes conditions morales pour entamer des conversations diplomatiques qu’il entendait mener personnellement avec les ambassadeurs du pape, du roi d’Espagne et de Henry VIII d’Angleterre.
Aimé de sa femme, choisissant pour ses nuits les plus fraîches et les plus ardentes demoiselles de sa « petite bande », allant parfois dans des bouges, au petit matin, chercher l’aventure avec quelques amis qui, comme lui, cachaient à demi leur visage sous un emplâtre, et sachant qu’il serait bientôt l’amant de la femme qu’il désirait le plus au monde, le roi de France était alors un homme comblé et heureux.
Aussi menait-il ses affaires avec une grandeur souriante.
Sûr de lui, spirituel, fastueux, il recevait les ambassadeurs comme s’ils eussent été des rois.
Aimable diplomatie qui devait avoir d’excellents résultats puisque François I er se réconcilia avec le pape, s’unit par traité au roi d’Espagne, s’assura l’amitié des Suisses et des Vénitiens, et racheta Tournai au roi d’Angleterre…
Ce qui prouve, une fois de plus, que les chefs d’État qui sont heureux en amour peuvent, seuls, faire de grandes choses.
Mais il fallait tout de même que les pourparlers avec Françoise ne traînassent pas trop en longueur. À l’exaltation du désir, François I er aimait bien faire suivre sans tarder l’ivresse de la satisfaction.
Il chercha alors à éloigner Jean de Laval qui, bien que fort occupé par sa compagnie d’Ordonnance, n’en était pas moins constamment à la Cour.
Le roi ne manquait pas d’imagination. Pour renvoyer, sans en avoir l’air, M. de Châteaubriant dans son pays, il eut l’idée de demander à la Bretagne des impôts nouveaux et il pria Jean de Laval de faire accepter cette charge supplémentaire aux Bretons. C’était faire d’une pierre deux coups : éloigner l’importun et faire rentrer de l’argent dans les caisses du royaume qui se trouvaient régulièrement vidées par les fêtes et les frasques royales…
Jean de Laval, ravi d’être chargé d’une telle mission qui prouvait en quelle estime il était tenu, partit sans méfiance et, après trois mois d’âpres discussions, parvint à faire admettre les prétentions du roi.
C’est ainsi qu’une province tout entière fut grevée d’impôts pour les beaux – les adorables – yeux de M me de Châteaubriant…
Pendant l’absence de Jean, Françoise, qui avait fait obtenir des commandements à son mari et à ses frères, pensa enfin à elle et se montra gentille avec le roi.
François lui envoyait des poèmes qu’il composait la nuit dans le silence de sa chambre :
Assez de gens prennent leur passe-temps
En divers cas et se tiennent contents.
Mais toi seule es en mon endroit élue
Pour réconfort de cœur, corps et vue.
Et elle lui répondait avec autant de grâce :
La grant douceur qu’est de ta bouche issue,
La belle main blanche qui a tissue
Une épître qu’il t’a plu m’envoyer
A fait mon cœur de joie larmoyer.
Il était jà [69] de ton amour épris,
Mais maintenant, il est saisi et pris,
Tant qu’il n’est plus possible qu’on efface
Ta grant beauté – Que veux-tu que je fasse ? [70]
Ce que désirait ardemment le roi depuis trois ans semblait bien près de s’accomplir, et c’est avec « le cœur ouvert sur un avenir plaisant », comme le dit un chroniqueur, que François I er emmena la Cour passer les fêtes de Noël à Cognac.
Il y avait dans les voitures qui descendaient vers le sud par Châtellerault et Ruffec tous ceux qu’il aimait d’amours différentes : Claude, sa femme, M me de Châteaubriant, son désir, Marguerite de Valois, sa sœur, l’amiral Gouffier de Bonnivet, son favori, et les plus gracieuses demoiselles du val de Loire, sa « petite bande ».
Cette Cour, qui s’efforçait d’imiter en tout le jeune souverain, était devenue, d’après certains témoins, « un véritable lupanar ». On s’y mettait « main à fesse » avec une
Weitere Kostenlose Bücher