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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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Paris pour l’Artois, emmenant dans deux litières somptueusement décorées, d’une part la reine et d’autre part la belle Françoise, heureuse et amusée de l’aventure…
    Après quatre jours de voyage, le cortège royal arriva dans une plaine où se dressaient trois cents tentes de draps d’or et d’argent. Un camp extraordinaire avait été installé là. De véritables palais de toile formaient une ville de rêve qui semblait surgie subitement du sol.
    Entre ces légers édifices paradaient des seigneurs français qui, pour éblouir Henry VIII, s’étaient vêtus si richement qu’un chroniqueur nous dit qu’ils portaient « leurs moulins, leur forêts et leurs prés sur leurs épaules… »
    De son côté, le roi d’Angleterre, qui était accompagné de cinq mille hommes et de trois mille chevaux, avait fait édifier à la hâte, par des maçons, une construction légère qui, habilement recouverte de gigantesques panneaux en toile peinte, donnait l’illusion d’un magnifique château…
    Sous le soleil de juin, les tentes cousues de fils d’or surmontées d’oriflammes écarlates constituaient un spectacle éblouissant qui ravit le roi, la reine et la favorite.
    Cette dernière, surtout, ne se tenait pas de joie, car ce camp, digne de personnages mythologiques, était son œuvre. C’était elle qui avait voulu que son bel amant montrât sa force, sa puissance et sa richesse en déployant un luxe propre à rendre jaloux tous les souverains de la terre.
    Bien entendu, le trésor de l’État avait été mis à sec par ce faste ; mais personne ne songeait à critiquer la favorite, car tout le monde pensait bien que Henry VIII d’Angleterre, ébahi, n’hésiterait pas une seconde à s’allier à un roi capable d’organiser d’aussi coûteuses rencontres…
    L’instant de la première entrevue arriva. François I er , vêtu de blanc, ceinturé et chaussé d’or, le chef couvert d’une toque empanachée, salua Henry, qui portait un pourpoint cramoisi et des bijoux de la tête aux pieds. Les deux souverains s’embrassèrent sur la bouche comme le bon ton le voulait alors.
    Ils y mirent d’ailleurs une telle fougue que le cheval du roi d’Angleterre, effrayé, fit un écart en arrière.
     
    Une tente plus haute que les autres avait été prévue pour les compliments d’usage. Elle était ornée de tapisseries, de riches étoffes et de pierreries.
    François, Henry, la reine Claude, Louise de Savoie et M me  de Châteaubriant y pénétrèrent avec deux seigneurs britanniques et deux seigneurs français. À peine entrés, les deux rois s’embrassèrent de nouveau ; puis Henry, ayant salué les dames qui entouraient François, parut enchanté de voir la favorite dont on lui avait tant parlé à Londres.
    François vit son regard s’allumer et fut heureux d’éblouir son rival en lui montrant non seulement des richesses incomparables, mais encore sa ravissante maîtresse.
    Un peu démonté par tant de magnificence, le roi d’Angleterre retira de sa poche un petit discours qu’il avait préparé ; mais il en changea certains termes pour ne point blesser François, et peut-être aussi Françoise qui semblait si fière de son amant. Écoutons Fleuranges, qui était au Camp du Drap d’Or, nous conter la scène : « Il commença à parler de lui et y avoit : Je, Henry, roi … (il vouloit dire de France et d’Angleterre ), mais il laissa le titre de France et dict au roy : “Je ne le mettray point puisque vous estes ici, car je mentirais.” Et dict : Je, Henry, roy d’Angleterre [72] . »
    Pendant plusieurs jours, malgré ces démonstrations d’amitié, Anglais et Français vécurent sur le qui-vive. Les escortes qui accompagnaient les souverains dans leurs déplacements devaient avoir le même nombre d’hommes, les distances qu’elles avaient à parcourir étaient mesurées pas à pas. Fleuranges donne d’ailleurs une idée de la confiance qui régnait dans le camp lorsqu’il raconte qu’un soir, Henry VIII ayant été convié à la table de la reine Claude, il fut décidé que François I er irait dîner avec la reine d’Angleterre, et le chroniqueur conclut : « Ainsi, ils étoient chacun en ostage l’un pour l’autre. »
    Rapidement, ces précautions lassèrent François I er et, un jour, il se leva à l’aube, prit deux gentilshommes et un page, jeta sur ses épaules une cape espagnole et galopa en direction du château de Guines, où résidait Henry.

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