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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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blessée ? dit le roi.
    — J’ai mal au pied.
    — Comment t’appelles-tu ?
    — Françoise Jochaud.
    François I er , fort peiné de l’incident, considérait la petite paysanne. Elle était bien jolie, étendue ainsi parmi les marguerites de la prairie. Si jolie et si désirable qu’il se sentit soudain animé à son endroit de tendres sentiments qui activèrent sa circulation et rendirent son souffle plus court.
    M me  de Châteaubriant connaissait bien le roi. En voyant le brillant de son regard, elle comprit qu’elle ne serait point l’héroïne de cette journée.
    En effet, François I er , nous dit un chroniqueur, « voulut porter lui-même dans ses bras la jeune fille jusque dans son humble maison, où il la soigna de bonne et ardente façon ». Puis il ordonna qu’une partie de sa suite vînt camper auprès de la chaumière afin qu’il pût « continuer à donner à la blessée certains soins fort propres à lui faire oublier le mal au pied » [107] …
    En conséquence de quoi, M me  de Châteaubriant repartit toute seule vers la ville…
    Quant au roi, il ne rentra que le surlendemain…
    Selon son habitude, Françoise accueillit l’infidèle sans récrimination, et tout le monde oublia la jolie petite paysanne. Pourtant le souvenir de cette aventure demeura gravé dans la mémoire des habitants de la région. C’est ainsi que l’endroit où se trouvait la chaumière de Françoise Jochaud, à Rougé, dans la forêt de Teilly, s’appelle, encore aujourd’hui, « La Cour au Roy »…
     
    Le 22 juin, à l’aube, tous les habitants de Châteaubriant étaient aux fenêtres pour voir François I er et les quinze mille personnes de sa suite quitter la ville « en grand arria ».
    Le roi, vêtu d’un costume blanc brodé d’or, chevauchait en tête des troupes. À ses côtés se tenait Jean de Laval, en habit rouge et jaune. Les deux hommes, qui partaient « en voyage d’affaires », répondaient avec gentillesse aux acclamations. Trompettes, hautbois, tambours, vivats, chevaux pétaradants formaient un vacarme qui faisait fuir les chats au fond des caves. Le défilé dura deux heures : puis les derniers bruits de sabots retentirent sur les pavés, et la petite ville redevint silencieuse.
    Alors Françoise, seule dans son château, éclata en sanglots. La dernière belle aventure de sa vie venait de se terminer. Sans doute le roi était-il parti en l’assurant de son amour, sans doute lui avait-il fait don, en manière de remerciement pour les six exquises semaines qu’il venait de passer chez elle, de la « châtellenie, terre et seigneurie de Suscinio en Bretagne », l’un des domaines les plus riches de tout le duché, sans doute lui avait-il promis de revenir, sans doute en avait-il même l’intention… Mais elle savait bien qu’Anne de Pisseleu, dont la jalousie était féroce, allait chercher à se venger, et que l’inconstant François oublierait encore une fois ses promesses.
    Et M me  de Châteaubriant pleurait.
    Elle aurait pleuré bien davantage, si elle avait su qu’elle ne reverrait plus jamais le roi de France…
     
    François I er et Jean de Laval, qui voulaient « préparer les esprits » avant les États de Bretagne dont la séance d’ouverture était prévue pour le début d’août, parcoururent le duché pendant plus d’un mois, festoyant et chassant gaiement comme deux bons compères, ce qui inspira d’ailleurs quelques chansons malicieuses.
    À Vannes, grâce à l’appui du seigneur de Châteaubriant, les droits du roi furent naturellement reconnus par les Grands et l’on décida que le couronnement du dauphin, comme duc de Bretagne, aurait lieu à Rennes, quelques semaines plus tard. Cette cérémonie, qui mettait un terme à cinquante ans de chicane, se déroula le 16 août avec un faste qui éblouit les Bretons.
    Huit jours après, le dauphin de France faisait une entrée solennelle à Nantes, sous le nom de François III de Bretagne. François I er avait obtenu ce qu’il voulait.
    Reconnaissant, il fit quelques riches cadeaux à son ami, M. de Châteaubriant, puis, quittant ce mari parfait, il s’en retourna par petites étapes à Amboise où, desséchée par la colère, Anne de Pisseleu l’attendait depuis près de quatre mois.
    La favorite était fort habile ; lorsqu’elle apprit que le roi arrivait, elle se coucha, prit un air dolent et dit en gémissant :
    — Laissez-moi mourir !
    Puis elle condamna sa porte

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