Les grandes dames de la Renaissance
er pleura sa mère, qu’il adorait, et lui fit faire des obsèques grandioses, dont on a pu dire « qu’elles étaient un peu comme l’enterrement de sa propre jeunesse ». La vie insouciante qu’il avait menée jusqu’alors était, en effet, terminée. Désormais, il lui fallait gouverner. Et gouverner seul.
Sans doute, dès cet instant, Anne de Pisseleu espéra-t-elle profiter de son influence sur le roi pour jouer un rôle politique, placer sa famille et doter ses protégés. Mais François, ivre de liberté, repoussa ses conseils et commença son véritable règne en faisant un cadeau généreux à Françoise de Châteaubriant. Il donna à l’ex-favorite, que haïssait tant Louise de Savoie, le revenu de la seigneurie de Suèves, dans le Blésois.
Un renouveau d’intérêt pour la belle Françoise s’était déjà manifesté quelques mois auparavant, lorsque le roi avait nommé Jean de Laval, seigneur de Châteaubriant, gouverneur de Bretagne.
Ces fonctions, fort importantes, s’accompagnaient naturellement de revenus considérables que François avait été heureux d’offrir à Françoise et à son mari. Aimait-il donc encore sa « mye » ? Celle à qui il écrivait naguère :
Assez de gens prennent leur passe-temps
En divers cas et se tiennent contents ;
Mais toi seule, es, en mon endroit, élue
Pour réconfort de cœur, corps et de vue…
Peut-être.
Quoi qu’il en soit, au début de 1532, laissant Anne de Pisseleu à Fontainebleau et la reine Éléonore à Blois, il s’en alla, accompagné des quinze mille personnes [105] qui le suivaient habituellement dans ses déplacements, jusqu’à Châteaubriant, pour se faire inviter par Jean de Laval, mari étrangement complaisant.
La joie de Françoise en voyant le roi chez elle fut immense ; et pendant six semaines, du 14 mai au 22 juin, des fêtes magnifiques se déroulèrent en l’honneur de l’hôte royal. Sans paraître se soucier de la présence de l’époux qui, d’ailleurs, ne faisait point mauvaise figure, les deux amants renouèrent publiquement une liaison que l’arrivée d’Anne de Pisseleu avait interrompue.
On les vit chasser, courir les bois à cheval, présider des banquets, ouvrir des bals et se tenir fort tendrement la main en écoutant de la musique…
La politique n’en était pas pour autant oubliée. En effet, ce n’était point uniquement pour batifoler avec la belle Françoise que le roi se trouvait à Châteaubriant. Un différend très délicat l’opposait à quelques grands seigneurs bretons qui contestaient ses droits à la succession de la reine Claude, héritière du duché de Bretagne, sous prétexte qu’il s’était remarié avec Éléonore. Et il voulait obtenir l’appui du gouverneur.
On pourra peut-être s’étonner de l’attitude désinvolte du roi à l’égard d’un mari dont il attendait un service important. Jean de Laval allait-il se montrer obligeant envers l’homme qui lui avait pris sa femme pendant dix ans et qui poussait l’outrecuidance jusqu’à venir le berner dans son propre château ?
Oui. Le seigneur de Châteaubriant connaissait les usages et ne voulait pas, en manifestant sa jalousie, qu’on pût dire de lui qu’il était un « mari mal élevé »…
Sur la tendre pression de sa femme qui assistait aux délibérations, Jean de Laval assura donc le roi de tout son appui dans cette affaire, et il fut décidé que les États de Bretagne couronneraient suivant leur loi, leur droit et leur coutume le dauphin François [106] comme duc, consacrant ainsi définitivement le rattachement de la Bretagne à la France.
Françoise fut fort heureuse de voir le roi satisfait, et elle pensa qu’il viendrait sans doute célébrer sa réussite avec elle sur l’herbe douce de la Saint-Jean. Ils partirent, en effet, le jour même faire une promenade dans la campagne. Mais le destin est plein de malice, et c’est avec une petite paysanne de rencontre que le roi se montra galant.
Voici comment les choses nous sont contées par un historien du temps : alors que les amants passaient dans un hameau, une jeune fille vint vers le roi et lui présenta un bouquet de roses. François, charmé, arrêta son cheval et tendit les mains pour prendre les fleurs. Or sa monture fit à ce moment un brusque écart, et la jeune paysanne fut brutalement renversée. D’un bond, François I er sauta à terre, imité immédiatement par M me de Châteaubriant.
— Es-tu
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