Les grandes dames de la Renaissance
l’invitèrent à les suivre chez le sieur Bouchart, docteur en théologie et grand inquisiteur pour la foi. Là, il apprit qu’on l’accusait d’avoir mangé du lard en carême, c’est-à-dire d’être luthérien.
Marot, qui était resté jusqu’à ce moment absolument indifférent aux luttes religieuses, fut extrêmement surpris de ce reproche et jura ses grands dieux qu’il croyait à « la sainte, vraie et catholique Église ».
On le mit néanmoins en prison, ce qui lui donna le loisir de composer une jolie ballade à l’adresse de la grande sénéchale qu’il savait être à l’origine de son arrestation :
Un jour j’écrivis à ma mie
Son inconstance, seulement,
Mais elle ne fut endormie
À me le rendre chaudement.
Car dès l’heure, tint parlement
À je ne sais quel papelard
Et lui dit tout bellement :
Prenez-le, il a mangé du lard…
Libéré au bout d’un an, il mena une vie inquiète et s’intéressa aux luthériens, dont il partageait désormais les dangers… C’est ainsi que les accusations de Diane de Poitiers poussèrent malgré lui l’auteur du célèbre poème Au beau tétin [135] dans le camp des protestants.
Dépitée, la grande sénéchale chercha un moyen de faire arrêter tous les protégés de la duchesse d’Étampes. L’occasion allait lui en être donnée par les luthériens eux-mêmes. Le 18 octobre 1534, presque toutes les villes de France furent couvertes d’affiches portant une attaque très violente contre les dogmes et particulièrement contre l’eucharistie. Un de ces « placards » fut même collé sur les portes de la chambre du roi à Blois.
Maladresse qui allait être exploitée, comme bien on pense, par Diane de Poitiers ; car celle-ci accusa naturellement la duchesse d’Étampes d’avoir participé au complot, et posé elle-même l’affiche destinée à François I er .
La duchesse savait comment se faire entendre de son amant. Tendre, caressante, enjôleuse, elle plaida, entre deux étreintes, la cause de ses amis luthériens, et le roi promit de n’ordonner aucune répression.
Il tint parole.
Mais le Parlement, où la grande sénéchale comptait des amis, fit, de son propre chef, dresser des bûchers, et six protestants – les premiers – furent brûlés…
C’est alors que Clément Marot, peu rassuré, décida de quitter la France. Avant de partir, il eut l’idée amusante de « laisser un pétard » et publia un poème intitulé Adieux aux dames de Paris, où il mettait en cause fort clairement, et avec de nombreux détails libertins, toutes les femmes « avec lesquelles il s’était donné du plaisir »…
Ce poème causa, on s’en doute, un grand scandale et provoqua des drames épouvantables dans de nombreux ménages…
Aussi n’eut-il que le temps de s’enfuir à Venise, où il se mit à composer des cantiques fort édifiants qui sont toujours chantés dans les temples…
Diane, ulcérée à la pensée que le poète de son ennemie avait échappé aux flammes du bûcher, essaya de prendre sa revanche en faisant courir le bruit que M me d’Étampes trompait le roi avec des réformés.
Cette calomnie arriva rapidement aux oreilles de François I er . Mais elle n’eut pas l’effet escompté par la grande sénéchale. Au contraire, le souverain, pour montrer à la favorite qu’il lui conservait toute sa confiance, prit les protestants sous sa protection.
Le lendemain, M me d’Étampes, ravie de pouvoir montrer sa force à Diane de Poitiers, faisait détruire quelques statues de saints à la porte des églises. Geste qui vexa la maîtresse du dauphin, mais irrita bien plus encore les catholiques.
Ainsi, toute cette guerre entre deux dames de petite vertu attirait les haines et préparait doucement les massacres d’Amboise, de Vassy et de la Saint-Barthélémy…
En 1538, la duchesse d’Étampes, qui « avait le goût du fiel dans la bouche quand elle pensait à Diane », commanda à Jean Visagier un nouveau pamphlet contre la grande sénéchale. Le poète publia alors, en latin, une série d’injures extrêmement violentes, dont voici un extrait : Toi, il te reste à peine un fragment de dent dans les joues, la puce y fait son nid en toute tranquillité… Toi qui peins ton visage de couleurs achetées, qui ornes ta bouche de dents fausses, qui caches les neiges de ta tête sous une chevelure d’emprunt dans l’espoir que les jeunes gens te suivront, tu es bien
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