Les grandes dames de la Renaissance
répandirent en critiques féroces, vouant à tous les tourments de l’enfer les moines amateurs de dames.
Mais ces saints hommes commirent une imprudence qui fit soudain changer l’opinion à leur égard. Non contents d’entretenir chez eux des concubines ou de recevoir dans leur chambre quelques filles de joie expertes aux jeux d’alcôve, ils firent, entre deux bréviaires, subir de délectables outrages à certaines de leurs paroissiennes. Alors, les hommes qui riaient en clignant de l’œil devinrent furieux, car il n’était pas rare que de dignes épouses revinssent de chez M. le Curé avec un « enfant de chœur dans le bénitier ».
Aussitôt, ces braves gens, qui ne songeaient à discuter ni des dogmes ni de la liturgie, que la transsubstantiation, la virginité de Marie ou l’intérêt qu’il pouvait y avoir à dire la messe en latin laissaient indifférents, désirèrent que l’Église procédât à d’indispensables réformes… Et ils commencèrent à déclarer hautement que les prêtres, au lieu d’en être réduits à détourner des épouses, devraient pouvoir trouver un apaisement à leurs ardeurs dans le saint sacrement du mariage.
Des discussions passionnées s’engagèrent alors, et certains érudits rappelèrent l’autorité regrettable des femmes d’évêques, les fameuses épiscopa au VI e siècle, et les honteux trafics auxquels donnait lieu l’arrivisme de ces dames.
— Combien de femmes de chanoines, disaient-ils, entraient dans le lit d’un cardinal pour faire avoir de « l’avancement » à leurs maris…
D’autres allaient jusqu’à citer l’exemple navrant de Badégésile, femme de l’évêque du Mans, « qui excitait continuellement son mari à commettre des crimes ». Névrosée, hystérique, maniaque, elle organisait des parties fines à l’issue desquelles « elle coupait aux hommes les parties naturelles et la peau du ventre, et faisait brûler aux femmes, avec des fers ardents, les parties secrètes de leur corps [129] ». Désordres qui plaçaient son époux dans un climat peu propice à la prière, on s’en doute.
Mais ces anecdotes ne parvenaient pas à convaincre tout le monde, et de nombreux catholiques réclamant le mariage des prêtres se trouvaient, sans le savoir, dans un état d’esprit qui rendait possible n’importe quelle tentative de schisme.
Quelques âmes simples s’étonnaient pourtant de l’indulgence dont faisait preuve le pape et pensaient que des peines terribles allaient un jour s’abattre sur les coupables.
Les pauvres devraient être bientôt cruellement détrompées. Un ouvrage tenu secret fut soudain rendu public par certains clercs qui réclamaient depuis longtemps une réforme de l’Église. Il s’agissait du Livre de taxes de la Cour de Rome, qui révélait de curieux trafics d’indulgences. En effet, le pape, comprenant qu’il ne parviendrait jamais à corriger les mœurs du clergé, avait trouvé habile de profiter de la vigueur des saints prêtres pour boucler son budget. Il autorisait donc certains actes de luxure aux ecclésiastiques moyennant une petite somme d’argent…
Et le peuple, ébahi, put lire : L’absolution et pardon de tous actes de paillardise commis par un clerc en quelque sorte que ce soit, et fût-ce avec une nonnain, dedans ou dehors le pourpris de son monastère, ou avec ses parentes ou alliées, ou avec sa filleule ou avec une autre femme quelle qu’elle soit ; soit aussi que ladite absolution se fasse au nom du clerc simple, ou de lui et de ses putains, avec dispense de pouvoir prendre les ordres, et tenir bénéfices ecclésiastiques, avec aussi la clausule inhibitoire, coûte 36 tournois et 9 ducats. Et si, outre ce que dessus, il y a absolution de bougrerie, et péché contre nature, et fût-il fait avec des bêtes brutes, et que la dispense que dessus, et la clausule inhibitoire y soit, il faut 90 tournois 12 ducats 6 carlins. Mais s’il y a simple absolution du péché de bougrerie, ou du péché commis contre nature, avec les bêtes brutes, avec dispense et la clausule inhibitoire, il faut 36 tournois et 9 ducats. Une nonnain, ayant paillardé plusieurs fois dedans ou dehors le pourpris de son monastère, sera absoute et réhabilitée à pouvoir tenir toutes les dignités de son ordre, voire la dignité abbatiale, moyennant 36 tournois et 9 ducats. L’absolution pour un qui tiendrait à pot et à feu une concubine, avec dispense de pouvoir prendre ses
Weitere Kostenlose Bücher