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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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l’embouchure de la Sèvre le plus loin qu’on pourra. On mouillera à l’abbaye de Maillezais. Fais abattre la voile et accélérer la cadence.
    — Je l’ai déjà fait, protesta Knut avec un regard pour ses rameurs qu’éclaboussaient des paquets d’eau de mer. Ils vont fort.
    — Si tu veux pas qu’ils continuent à ramer par le fond avec les sirènes, fais accélérer la cadence ! hurla le Breton qu’une bourrasque fit vaciller sur ses jambes.
    — Et le knörr ?
    — Corato suivra. Il faut qu’il suive ! Ou il est perdu.
    Sans insister, le maître de la hache retourna au milieu de ses marins et cria ses ordres. Enfin, il rejoignit l’homme du gouvernail à qui il expliqua la manoeuvre. Le stirman hocha la tête et poussa la barre du lourd gouvernail vers l’avant pour que le navire file à bâbord vers la côte. Sur le pont, les rameurs souquaient ferme.
    Bien qu’il fût trempé, Tancrède transpirait sous l’effort, enrageant de voir Magnus soutenir les changements de cadence sans effort apparent. Le géant se penchait sur sa rame et se relevait, lançant de temps à autre un ordre bref à ses guerriers.
    Tancrède, malgré le terrible récit de son maître sur la bataille de Venosa, ne pouvait se défaire d’une sourde admiration pour ces hommes que rien ne semblait jamais faire dévier de leur but. Il songea à ce que lui avait dit Hugues, un jour qu’il le questionnait sur l’énigmatique chef de guerre : « C’est le fils déchu d’un jarl. Une sorte de prince. Tout comme ses guerriers, il vient des îles Orcades, au nord de l’Ecosse. »
    Il serra les dents et s’absorba dans le nouveau rythme donné par Knut :
    — Un, deux, trois, poussez, quatre ! « Un, deux, trois, poussez, quatre ! » se répétait-il. Malgré l’eau qui ruisselait, se prenant dans ses cils, il voyait une enfilade de dos courbés devant lui. Le mugissement du vent sur le pont, les claquements de la grand-voile, le grincement des cordages, tout l’assourdissait. L’esnèque glissait, se jouait des vagues, mais ils prenaient de plus en plus l’eau. La voile fut bientôt affalée, des marins écopaient. La cadence s’intensifia encore.
    Cela rappelait à Tancrède les courses d’endurance que lui faisait faire son maître. Ces moments où il fallait se fondre dans l’effort, ne surtout pas se demander si on allait tenir, ni quand cela allait s’arrêter. Juste avancer, mettre un pied devant l’autre, aller au bout de soi-même. Coûte que coûte.
    Les rameurs chantaient en norrois une mélopée que Tancrède reprit sans bien en comprendre les paroles, il brailla comme les autres et tenta de couvrir de sa voix le sifflement du vent. Il se sentait plus fort et ne faisait qu’un avec son aviron. Knut, qui passait dans l’allée, les encourageait. Entre deux paquets de mer, Tancrède apercevait la silhouette trapue du stirman à l’arrière, et celle d’Hugues dressée à ses côtés, l’aidant dans la manoeuvre.
    Un roulement de tonnerre retentit et un long éclair blanc traversa le ciel. Le navire embarqua une lame qui les submergea. Tancrède ferma les yeux et appuya plus fort sur le bois, une brève prière montant à ses lèvres.

29
    Encouragés par les hurlements du capitaine, les marins essayaient de redresser le knörr. Trop lourd, le navire marchand n’arrivait plus à faire face à la lame. Les sautes de vent faisaient claquer la grand-voile. La coque grinçait. Au milieu du dortoir, les mains jointes, agenouillé dans une eau glacée, frère Dreu priait. D’Avellino et maître Richard faisaient les cent pas, obéissant à contrecoeur à la demande de Giovanni qui avait demandé à ses passagers de rester dans le château arrière. Eleonor, cramponnée au chambranle, voyait avec effarement les vagues balayer le pont et déferler sur les rameurs.
    — Retournez dans votre cabine, damoiselle ! la supplia le vieux Gautier qui se tenait derrière elle. Vous êtes trempée, vous allez m’attraper la mort !
    Elle fit non de la tête, resserrant son manteau autour d’elle et le vieux serviteur, persuadé qu’ils allaient bientôt mourir, retourna se jeter dans son branle pour se cacher en gémissant sous ses couvertures.
    Aidé de Bertil et du Bigorneau, le cuisinier écopait l’eau de la cale.
    L’oeil fixé sur l’esnèque, détrempé par les vagues qui escaladaient le château arrière, Corato tenait bon le gouvernail, Giovanni à ses côtés. Loin devant, le navire de

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