Les guerriers fauves
sont arrivés trop tard pour sauver l’enfant.
— Ben oui, c’est pas ma faute si l’assassin s’est enfui ! fit-elle en se grattant le crâne.
— Ensuite, reprit Hugues, les gens de votre quartier, c’est le quartier breton, n’est-ce pas ?
— Oui, c’est comme ça qu’on le nomme, vu qu’y sont nombreux à être de là-bas.
— Donc les hommes du quartier, s’apercevant qu’on s’en était pris au fils d’un des leurs, le dénommé Ar Pennec, un artisan respecté de tous, se sont mis en chasse.
— Oui, souffla la vieille, se rappelant avec effroi comment les Bretons s’étaient rassemblés devant sa maison, levant des fourches, des haches et des faux et criant : « À mort l’assassin ! »
— Malgré cela, personne n’a retrouvé le meurtrier.
— Vous vouliez pas qu’en plus, je lui donne la chasse ! s’exclama la vieille. Déjà que j’ai plus qu’une main, alors...
— Je ne dis pas ça.
L’Oriental s’était à nouveau tourné vers les flammes. Il semblait y puiser quelque mystérieuse inspiration.
— Avant de poursuivre, laissez-moi vous conter mon histoire, Girème. J’étais avec le commandeur du Temple quand la nouvelle est arrivée et je suis allé avec lui au quartier breton. D’abord dans la maison d’Ar Pennec, ensuite chez vous, Girème. Vous n’étiez plus là, on vous avait conduite à la prévôté.
— Z’êtes allé chez moi ? répéta-t-elle interloquée.
— Oui. J’avais besoin de réfléchir et votre maison m’a paru l’endroit idéal. Pendant que tout le monde s’agitait alentour, j’y étais tranquille.
Le prévôt, le commandeur et le viguier fixaient l’Oriental, essayant de deviner où il voulait en venir.
— Ce gamin était seul, d’après les voisins, ses parents étaient à Laleu. Ils ne devaient revenir qu’au matin. Je me suis demandé une première chose et vous allez pouvoir m’aider, Girème. Pourquoi a-t-il ouvert sa porte à quelqu’un qu’il ne connaissait pas ?
— J’sais pas, moi, l’était pas méfiant ! s’exclama la femme en s’agitant sur son tabouret. On n’a rien à cacher, nous autres, pas comme les bourgeois ! Qu’est-ce que vous voulez qu’on nous vole ?
— Vous connaissiez bien Gabik ?
— Pas vraiment, fit la vieille en haussant les épaules.
— Et ses parents, les Ar Pennec ?
— Pas plus.
— Pourtant, c’était vos voisins les plus proches.
— J’vois personne.
— Ce n’est pas ce qu’on m’a dit, rétorqua Hugues.
Girème tressaillit, puis, la bouche mauvaise, rétorqua :
— Qu’est-ce qu’on vous a dit ? Et qui ?
— Que vous receviez souvent des visites, Girème. Et qu’hier encore, avant le couvre-feu, un homme est venu vous voir.
Girème ne se démonta pas. Elle fixait l’Orienta1 droit dans les yeux et l’on avait l’impression soudain que c’était elle qui menait l’interrogatoire.
— Qui vous a dit ça ? répéta-t-elle.
— Une de vos voisines.
— Ah, c’est la Berthe ! s’exclama-t-elle. Pire qu’un crapaud, elle bave sur tout et sur tous ! L’est à moitié folle, faut pas l’écouter, messire. L’a plus sa tête.
— Puisque vous le dites. De quoi vivez-vous, Girème ?
— Ben, comme tout le monde ici, de la pêche à pied, de petits travaux, de mendicité aussi.
— Ça doit être dur.
— Ça oui, messire.
— J’étais donc chez vous, reprit Hugues. Je me suis assis sur votre tabouret devant le chaudron et puis, soudain, j’ai aperçu comme une bosse sous l’une des nattes de paille qui recouvraient le sol.
Pour le coup, la voix de la vieille chevrota :
— Une bo... bosse.
— Comment expliquez-vous ça ? fit l’Oriental en sortant de sa poche la bourse qu’il avait trouvée enfouie.
— Je...
— Comment expliques-tu ça ?
La voix avait claqué et, à cause de ce brusque tutoiement, Girème se troubla.
— C’est... C’est rien, messire, c’est mes sous. Des années d’économies.
— Vraiment ?
— Ben oui, j’vous jure...
— Tais-toi !
La vieille se recroquevilla sur son siège comme s’il l’avait giflée.
— À partir de maintenant, Girème, soit tu dis la vérité, soit je t’abandonne aux hommes du prévôt.
Nicolas de Ciré n’avait pas la réputation d’être tendre, et bien souvent les accusés finissaient au pilori ou au gibet.
— Non ! J’ai rien fait de mal ! Je vous dirai tout !
— C’est ce qu’on va voir, Fit
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