Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
l’Ontario,
    placées respectivement
    à gauche et à droite de la scène, se trouvaient alors présentes aux deux tiers. Les rangs au centre de la salle restaient encore plus dégarnis.
    — Les dames sont bien peu nombreuses parmi nous, remarqua le marchand.
    — Si vous parlez des personnes autorisées à participer aux débats et à voter, vous avez raison. Et elles parlent anglais.
    Vêtues de robes blanches ou aux teintes pastels, coiffées de chapeaux aux bords étroits, ces pionnières s’activaient auprès de collègues de sexe masculin. Edouard Picard en contempla trois, plutôt jolies, absorbées par leur conversation avec William Lyon Mackenzie King. Le petit homme replet et chauve souriait, attentif à chacune de leurs remarques.
    — Vous en voyez toutefois quelques centaines dans les galeries, continua le politicien. Plusieurs, y compris moi, sont venus avec leur femme.
    Un regard circulaire permit au jeune marchand d’apprécier la véracité
    de
    l’affirmation.
    Il
    reconnut
    même
    Emma
    Pratte, la très charmante épouse de son interlocuteur, parmi toutes les autres.
    — Vous-même, continua le député, êtes-vous avec votre compagne ?
    — Evelyne fait profession de détester la politique.

    L’affirmation écorchait la vérité, puisque celle-ci détestait surtout que son mari utilise la politique comme un prétexte pour s’éloigner de la maison et de sa famille.
    À neuf heures trente, Charles Murphy déclara la convention libérale ouverte. Puis l’assistance entonna le God Save the King avec un enthousiasme inégal. Les francophones se sacrifiaient à cet usage de mauvaise grâce. Pour faire bonne mesure, un certain Poulette entonna ensuite le 0 Canada.
    Visiblement, les dirigeants du parti souhaitaient flatter les membres de la minorité.

    *****
    Le député Murphy invita ensuite le chef intérimaire libéral, Daniel Duncan McKenzie, à prendre la parole.
    Celui-ci proposa de nommer deux présidents à la convention: George
    Murray,
    premier
    ministre
    de
    la
    Nouvelle-
    Ecosse, et Lomer Gouin, premier ministre du Québec.
    Pendant un moment, une certaine commotion agita la salle : ce dernier ne se trouvait pas dans le grand édifice.
    — Où est cet idiot? grommela Lapointe { l’oreille de son organisateur.
    — Je ne sais pas. Même s’il loge au Château Laurier, je l’ai aperçu { mon hôtel hier soir. Le bonhomme aime les conciliabules.
    — Il doit encore manigancer avec les gens de l’Ouest.
    La rumeur du passage du premier ministre provincial sur la scène fédérale circulait depuis un moment. Le député de Kamouraska fronçait les sourcils à chaque allusion de ce genre. L’arrivée de son «ami» { Ottawa pouvait lui faire ombrage auprès de ses collègues de langue française.
    En l’absence de l’éminent délégué du Québec, Murray s’engagea dans un discours fleuve pour évoquer la grandeur de Wilfrid Laurier et du Parti libéral. L’irruption tardive de Gouin ne l’arrêta pas, même si les francophones acclamèrent à tout rompre le nouveau venu. Le bavard ne cilla même pas devant ce
    vacarme,
    il
    enchaîna
    avec
    la
    nomination
    des vice-présidents, tous recrutés parmi les autres premiers ministres provinciaux. Quand ceux-ci regagnèrent les chaises placées sur la scène, Gouin prit sa revanche. Le petit homme monta l’escalier avec les autres, se campa près de son collègue et prononça son discours sans se soucier des yeux horrifiés de ce dernier.
    — Tout de même, apprécia Edouard, notre premier ministre montre un certain cran. Voilà ce malotru proprement remis à sa place.
    Lapointe grimaça. Admettre à voix haute les qualités de son adversaire lui aurait trop coûté.
    Les discours se succédèrent pendant des heures, portant sur deux objets, toujours les mêmes : la grandeur de l’éminent Canadien
    disparu,
    Wilfrid
    Laurier,
    et
    l’important
    héritage politique du Parti libéral du Canada. Cette insistance devenait un peu louche, elle devait masquer la triste réalité : peu de temps auparavant, de très nombreuses personnes avaient déserté l’organisation et abandonné leur chef pour aller siéger avec les conservateurs au sein du gouvernement d’union. Aujourd’hui, leur véhémence {
    clamer la grandeur de l’organisation servait { faire oublier l’indélicatesse d’hier.
    Sir Allan Aylesworth monta ensuite sur la scène, flanqué de Rodolphe Lemieux, pour présenter une «motion» de condoléances à la veuve de

Weitere Kostenlose Bücher