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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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silencieux de la rue pendant trente ans. Je vous laisse travailler.
    Quelques minutes plus tard, le notaire montait dans la Buick. Après des négociations serrées, il avait acheté la vieille voiture de Thomas Picard. Agée de cinq ans, elle ressemblait déjà à une véritable antiquité. Comme le véhicule n’avait attiré la convoitise de personne au cours des dernières semaines, Edouard avait dû se résoudre à la solder.
    Apprendre à conduire à son âge se révélait difficile.
    Heureusement, la circulation demeurait rare dans les rues de la ville. Les à-coups des changements de vitesse, les arrêts brusques et les calages du moteur risquaient peu de provoquer des accidents. La véritable difficulté se présenta quand vint le temps de prendre place sur le traversiez La présence des autres véhicules dans cet espace restreint lui fit craindre d’écorcher la peinture.
    Finalement, il atteignit la maison de campagne épuisé, mais sans qu’une véritable mésaventure se soit produite.
    — Papa ! s’écria Antoine en descendant de la galerie. Tu arrives bien tard.
    — Québec se trouve plutôt loin. Tu ne te souviens pas de la distance, quand tu es venu ici ?
    Fernand récupéra sa valise sur la banquette arrière de la Buick et prit la main de son fils pour se diriger vers la maison. Sa mère passa la porte au moment où il montait sur la galerie.
    — Te voilà enfin, déclara-t-elle. Cela m’inquiétait un peu de te savoir au volant de cette machine. Tu aurais dû prendre le train.
    — Tu verras, après une promenade ou deux, tu ne voudras plus t’en passer.
    — Cela me surprendrait beaucoup.
    L’homme embrassa la vieille dame sur les joues, saisit sa fille sous les bras pour la caler sur sa hanche. En entrant dans la maison, il salua la gouvernante et Jeanne occupées dans la cuisine. Comme dans toutes les habitations rurales, il s’agissait d’une grande pièce servant aussi de salle {
    manger.

    Eugénie demeurait invisible. Bientôt, sa mère murmura :
    — Elle se trouve sur la grève.
    — Grand bien lui fasse. L’air frais chasse l’air bête.
    La veuve regarda dans une autre direction pour cacher sa réaction. Près du gros poêle à bois, Jeanne maîtrisa son fou rire avec difficulté.

    *****
    L’après-midi, Fernand proposa à Antoine et Béatrice une promenade en voiture. Charles, le plus jeune, dormait déjà.
    De toute façon, le côté bucolique de Saint-Michel risquait peu de retenir son attention. Les enfants plus âgés acceptèrent avec enthousiasme.
    — Eugénie, tu montes avec nous ?
    Elle le regarda fixement, les mâchoires serrées. Tout le long du repas, elle n’avait prononcé que quelques mots.
    Comme la réponse tardait { venir, l’homme se tourna vers l’aînée de la maison :
    — Maman, viens voir la campagne environnante.
    Il lui tendait la main pour l’aider { quitter la grande chaise berçante.
    — Je n’ai pas l’habitude de ces machines.
    La vieille dame était montée à de rares reprises dans des automobiles. La dernière fois, c’était pour accompagner son époux au cimetière Belmont.
    — Moi non plus, mais nous allons nous familiariser ensemble avec cette mécanique.
    Fernand marqua une hésitation, puis il continua :
    — Jeanne, tu vas nous accompagner. Mieux vaut garder ces deux-l{ { l’œil, et j’ai besoin de toute mon attention pour m’occuper du volant, des leviers et des pédales.

    La jeune femme leva un regard méfiant sur sa patronne.
    Puis elle abandonna le linge à vaisselle sur la table et enleva son tablier pour le suspendre à un crochet. Depuis son arrivée dans cette demeure, elle négligeait de porter la coiffe de domestique. Aussi posa-t-elle un chapeau de paille sur ses cheveux bruns. Seule sa robe noire laissait deviner sa position sociale.
    Elle sortit en prenant bien garde d’éviter de voir le regard d’Eugénie. Sur la vaste galerie, elle attrapa Béatrice pour la poser sur sa hanche, tendit la main afin de prendre celle d’Antoine. Pour lui, descendre l’escalier constituait encore un exercice périlleux.
    A pas mesurés, appuyée sur le bras de son fils, la vieille dame sortit à son tour en disant à la ronde :
    — Au revoir.
    La vieille gouvernante, laissée seule pour terminer la vaisselle, grommela un «À bientôt» un peu fâché. La jeune maîtresse de la maison s’enferma dans son habituel silence obstiné. Dehors, Fernand aida sa mère à prendre place sur la banquette avant et actionna la

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