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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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reste de la déclaration de sa fille lui avait échappé. La promesse la réconciliait avec la perspective de la voir partir.
    — Avant d’obtenir ton diplôme, remarqua Mathieu avec à-propos, tu hériteras de tâches bien rebutantes.
    — Toi, tu classeras de vieux dossiers, moi, je manipulerai des bassines. Nous en avons encore pour trois ans à effectuer les pires corvées.
    Même si elle était plus jeune que son frère de quelques années, son séjour au Quebec High School, moins long que celui exigé pour les humanités classiques, puis l’exil de ce dernier en Europe, les plaçaient au même niveau dans leur cursus universitaire.
    — Sans vouloir te vexer, je préfère l’odeur d’un vieux dossier à celle de tes bassines.
    — Les enfants, nous sommes à table, intervint Marie en plissant le nez.
    La conversation ne tarit plus pendant tout le repas. A deux heures, un sac de voyage à la main, Thalie se tenait dans l’embrasure de la porte du commerce.
    — Tu es certaine que la grosse malle se rendra à destination ?
    s’inquiéta Gertrude.
    — Selon les employés du chemin de fer, elle se trouve déjà dans ma chambre, à Montréal. Maintenant, je dois y aller.
    Elle fit le tour des personnes présentes pour leur donner la bise, excepté son frère. Celui-ci devait l’accompagner jusqu’{ la gare. Tout le long du chemin, ils abordèrent divers sujets. Une fois rendus à destination, le garçon alla se mettre en ligne afin de lui acheter son billet. Il la retrouva sur un banc près du quai.
    Elle reçut son droit de passage en disant :
    — Tu vas garder un œil sur eux ?
    — Sur qui, exactement?
    — Les nouveaux mariés. Les grandes personnes sont souvent bien déraisonnables.
    Mathieu éclata de rire.
    — J’aurai les deux yeux ouverts, convint-il. S’il survient un problème trop compliqué pour moi, je t’appellerai, sois sans crainte.
    Elle le contempla un long moment avant de dire, très sérieuse cette fois :
    — Et si jamais tu as besoin d’aide, tu m’appelleras, n’est-ce pas ?
    Elle craignait une folie de sa part, après des nuits et des nuits sans sommeil.
    — Oui, je t’appellerai si nécessaire.
    — Tu te portes mieux, je crois. Tu retrouves plus facilement ton sourire.
    — Mon esprit revient lentement des Flandres. Il n’avait pas suivi mon corps, après mon transport { l’hôpital.
    Thalie saisit sa main, posée entre eux, sur le banc. Ils demeurèrent un long moment comme cela, silencieux. Puis un employé du Canadien Pacifique annonça le départ du train pour Montréal. Il l’accompagna jusqu’aux marches donnant accès au wagon, l’embrassa en disant :
    — Passe une excellente année, et essaie de m’écrire une fois de temps en temps.
    — Je te souhaite une bonne année aussi et j’attendrai tes lettres. Sois un peu plus long que sur les cartons de l’armée.
    — Promis.
    Elle posa le pied sur la première marche, puis se retourna, le regard soudainement chargé de curiosité.
    — Dis-moi, l’amélioration de ton moral a-t-il à voir avec la jolie secrétaire de notre cousin ?
    — C’est plutôt l’inverse : la jolie secrétaire a { voir avec mon meilleur moral.
    — Je comprends.
    Sur ces deux mots, elle tourna les talons afin de trouver son siège dans le wagon.
    Le matin, au moment de son départ de la pension de la rue Sainte-Geneviève, Mathieu se trouvait le seul locataire.
    A son retour l’après-midi, il découvrit les lieux bruissant de conversations. Dans le salon, Elisabeth devisait avec trois messieurs d’âge mûr. Elle se leva { l’instant où il entrait dans la pièce.
    — Mathieu, j’aimerais te présenter certains de mes invités.
    Depuis l’accueil de ses premiers clients, elle s’était plu {
    les présenter ainsi, comme si les mots locataires ou clients décrivaient mal ses relations avec eux.
    — Monsieur Fortin, monsieur Frenette et monsieur Tremblay.
    Pendant que le jeune homme serrait les mains, elle continua :
    — Ces personnes sont des députés à P Assemblée législative.
    Il s’agissait de trois membres du Parti libéral. En se tournant vers eux, elle dit encore :
    — Mathieu Picard est mon neveu. Il étudie présentement à l’Université Laval.
    Le jeune homme reconnut chez le trio le regard allumé d’individus séduits par leur nouvelle hôtesse. Ils commenteraient certainement son charme à leurs collègues dès le lendemain, lors de la rencontre du caucus de leur parti.
    Peut-être des étudiants se

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