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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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trouveraient-ils délogés pour accueillir d’autres élus.
    — Nous partagions nos souvenirs concernant Wilfrid Laurier, précisa-t-elle encore. Souhaites-tu te joindre à nous ? Je peux demander qu’on t’apporte du thé.
    — Je vous remercie, ma tante, je préfère me plonger dans mes livres. Comme demain, je commencerai à la fois les cours et mon nouvel emploi, je dois prendre un peu d’avance.
    — Tu te joindras à nous pour le souper?
    — Oui. Comme je suis allé dîner avec maman, je lui laisserai la chance de profiter d’un souper avec sa nouvelle famille. Messieurs.
    Il salua les députés d’un geste de la tête, puis gravit l’escalier. Au second palier, il perçut le bruit d’une conversation dans le couloir. Il découvrit quatre jeunes gens de son âge en conciliabule. Il s’approcha en tendant la main.
    — Je m’appelle Mathieu Picard.
    Les autres se présentèrent en la lui serrant.
    — Vous êtes étudiant aussi ? demanda l’un d’eux.
    — En deuxième année de droit.
    — Je ne vous ai pas vu l’an dernier, commenta un autre.
    — Il y a un an, je me trouvais occupé ailleurs. . En voyage.
    Les autres le toisèrent, puis l’un d’eux déclara:
    — Vous étiez à la guerre ?

Tante Elisabeth pouvait avoir évoqué la chose devant eux. Plus probablement, sa posture, sa main blessée, les traits de son visage pouvaient le trahir.
    — Je ne peux rien vous cacher. De votre côté, vous fréquentez l’université ?
    — Vous avez devant vous deux futurs avocats, et deux futurs médecins.
    — Nous nous reverrons donc souvent. Bonne fin d’après-midi.
    Il ne ressentait aucun désir d’énumérer ses expériences récentes à leur profit. Les prochaines semaines leur procureraient des
    occasions
    de
    conversations.
    Un
    moment
    plus
    tard, sous les combles, il découvrit ses deux voisins immédiats.
    L’un se tenait appuyé contre le mur, l’autre dans l’embrasure de la porte de sa chambre. Il répéta alors le rituel de la main tendue, des présentations, des noms évoqués machinalement.
    — Nous sommes donc au complet, conclut Mathieu. J’ai vu du monde à tous les étages.
    — Pas tout à fait, précisa un garçon avec un lourd accent de Charlevoix.
    Celui-là venait de Saint-Irénée. Mathieu devait faire un effort pour ne pas baisser les yeux sur ses pieds. Il portait des bas en laine grise, sans doute tricotés par sa mère, sans chaussures, pour ne pas user inutilement celles-ci. Des trous laissaient voir ses deux gros orteils en totalité.
    — Juste sous ta « suite », continua-t-il en utilisant spontanément le tutoiement, il y a un médecin. L’an dernier, il logeait dans tes quartiers, il a maintenant amélioré un peu son sort.
    Une petite hostilité { l’égard des «nantis» marquait l’intervention.
    — Au début de ses études, il devait loger dans ta chambre, rétorqua Mathieu sur le même ton.
    — Exactement. Il vient de la Beauce. Maintenant, il a commencé sa pratique dans un cabinet de la Haute-Ville. Dans dix ans, il aura une grosse maison sur la Grande Allée.
    L’anecdote lui rappela une conversation avec Thalie. Le docteur Caron avait recruté l’un de ses voisins.
    — Il manque aussi un étudiant, et nous serons au complet. Un gars de Montréal, précisa son autre voisin.
    — Je vous verrai donc au souper. Messieurs, à plus tard.
    Sur un salut de la tête, Mathieu les quitta pour s’enfermer dans sa
    chambre.
    Dans
    vingt-quatre
    heures,
    au
    lieu
    de perdre leur temps à discuter dans le couloir, tous ces jeunes gens se plongeraient dans leurs livres. Il aurait une avance sur eux.

    *****
    Les cours de l’Université McGill devaient reprendre le lendemain. Après un trajet sans histoire au cours duquel Thalie eut l’impression de s’arrêter dans tous les villages situés entre Québec et Montréal, elle monta dans un tramway afin de se rendre à sa pension. Après une correspondance, elle posa enfin les pieds sur le trottoir de la rue Milton.
    — Rien n’a changé ici, remarqua-t-elle à mi-voix.
    Cela n’était pas tout { fait vrai. L’arrêt de la production militaire et le retour des vétérans faisaient chuter le prix du travail et augmentaient le nombre de chômeurs disposés à se contenter d’un dollar ou deux pour une journée d’efforts.
    En conséquence, les volets paraissaient bien droits maintenant, le gazon
    moins
    négligé,
    la
    galerie
    nouvellement
    repeinte.
    Elle monta l’escalier de son pas vif

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