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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vint faire de même. On ne lui avait promis aucune récompense pour se désister, seulement de rendre sa vie professionnelle intenable s’il ne le faisait pas.
    Après toutes ces prestations destinées à réchauffer l’assistance, Ernest Lapointe prit la parole à son tour :
    — Vous me voyez torturé entre deux devoirs. Le premier, celui que j’ai envers mes électeurs du comté de Kamouraska, le second, envers la mémoire de sir Wilfrid.
    Ce sujet revenait sans cesse depuis que le député évoquait à voix haute sa candidature dans Québec-Est, au point de lasser peut-être.
    — Les électeurs du beau comté du Bas-Saint-Laurent m’accordent leur confiance depuis des années. Je regrette infiniment de rompre la relation que j’ai entretenue avec eux tout ce temps. Mais je ne peux pas me dérober plus longtemps. J’accepte de briguer les suffrages dans Québec-Est. ..
    Un tonnerre d’applaudissements souligna ces mots. Pour la première fois, de façon claire, l’homme s’engageait.
    — Si nous laissons Robert Borden continuer, il détruira entièrement l’œuvre de sir Wilfrid. Vous avez lu les journaux : la guerre est terminée depuis presque un an, mais il vient de lancer un nouvel Emprunt de la victoire. Il continue d’endetter le pays { un rythme affolant. De deux cents millions au début de la guerre, la dette du Canada atteint maintenant les deux milliards.
    Le chiffre ne signifiait rien pour tous ces gens, tellement il paraissait astronomique.
    — Même après la victoire, le gouvernement d’union continue d’emprunter pour engraisser les profiteurs de guerre.
    Il continua pendant de longues minutes encore, avant de revenir à son sujet de prédilection.
    — Mercredi dernier, je me suis rendu à Rivière-du-Loup afin de rencontrer les électeurs de ce coin de pays. Ils m’ont autorisé à me présenter dans Québec-Est. Je vous demande de crier trois hourras pour les électeurs de Kamouraska.
    Bon enfant, la foule s’exécuta bruyamment. Pendant un bref moment, le docteur Béland reprit la parole pour demander à tous les candidats de se retirer afin de laisser le champ libre à Ernest Lapointe.
    — Lachance et Drouin se sont retirés, cria Flavie dans l’oreille de son compagnon, afin d’être entendue malgré le brouhaha. Cette invitation est inutile.
    — Il parle des gens désireux de se présenter comme indépendants.
    — Comme Lavergne ?
    Mathieu acquiesça d’un signe de la tête. La grande assemblée se terminait sur cet appel { l’unité. La foule se dispersa ensuite lentement. Quand le couple se retrouva enfin { l’air libre, la jeune femme aspira { pleins poumons.
    — Dans ce genre de réunion, il faudrait interdire de fumer.
    — Si on en vient là, plus personne ne se présentera.
    — Il y aura les femmes, et toi.
    En quittant le parc Victoria, ils croisèrent un groupe de notables de la Basse-Ville absorbés dans une conversation animée. Edouard leva la tête vers eux. Il abandonna ses collègues pour venir les rejoindre.
    — Ah ! Mon cousin, je suis un peu surpris de te trouver ici. Je ne savais pas que tu t’intéressais { la politique.
    — Pourtant, tu m’as vu bien des fois dans la foule, quand tu te trouvais sur les estrades avec Lavergne. Ce dernier doit se sentir bien seul, maintenant. Tu te plais avec tes nouveaux amis ?
    L’allusion { son passé nationaliste troubla le marchand.
    — Ce ne sont pas de nouveaux amis, je viens d’une famille libérale, comme toi. C’était la guerre, un temps exceptionnel.
    Plutôt que de s’attarder sur son passé politique, il enchaîna en s’adressant { la jeune femme :
    — Mademoiselle Poitras, vous avez apprécié notre petite réunion ?
    — La fumée des cigarettes m’a étouffée toute la soirée, les discours reprenaient sans cesse les mêmes thèmes.
    — C’est probablement parce que les hommes mettent du temps à comprendre le bon sens. Maintenant que les femmes peuvent voter, les politiciens apprendront peut-être à mieux structurer leurs propos.
    L’ironie du ton n’échappa pas { Flavie. Son employeur ne paraissait pas considérer le suffrage féminin comme un élément essentiel de la vie démocratique.
    — Si vous voulez nous excuser, déclara-t-elle. Comme je travaille demain matin, je dois rentrer.
    — Parce que je travaille aussi, je vais vous imiter. Bonsoir, mademoiselle. Bonsoir, Mathieu.
    — Cher cousin, à bientôt.
    La jeune femme lui adressa un salut de la tête. Quelques

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