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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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tes études.
    — Alfred a été généreux pour tous ses proches. Ma part du grand magasin PICARD représente une jolie bourse d’études. Vois-tu, mon ineffable demi-frère Edouard fera de moi un avocat.
    Marie fronça les sourcils en entendant le mot «demi-frère ». Cela lui semblait trahir la mémoire de son défunt mari.

    — Je sais bien qu’il y a un réchaud au-dessus de la cuisinière, conclut-elle, mais rentrons tout de même. Je commence à avoir faim et, par politesse, ta sœur et Françoise attendent certainement notre retour pour se mettre à table.
    Bras dessus, bras dessous, ils se dirigèrent vers la rue de la Fabrique. Au moment de passer sur le parvis de la cathédrale, la emme ajouta :
    — Le plus déçu dans cette histoire, ce sera Paul.
    — Je ne comprends pas.
    — Il insiste pour que j’aille le rejoindre quelques semaines à Rivière-du-Loup. Je ne pourrai pas laisser les filles toutes seules.
    — Accepte.
    Le jeune homme s’arrêta devant l’entrée du cinéma Empire pour regarder sa mère dans les yeux.
    — Va en vacances chez lui.
    — Françoise et Thalie ne pourront faire face { l’affluence, surtout si une vendeuse sans expérience complète l’effectif.
    — Pendant ton absence, je viendrai tous les jours les aider, du matin au soir. Je te le jure sur la mémoire de papa.
    Tu as besoin de ces vacances. La dernière année a été rude : ton fils à la guerre, ta fille à McGill, la grippe espagnole. Va te changer les idées à la campagne.
    Comme la femme semblait hésiter encore, Mathieu ajouta :
    — Je serai très déçu si tu refuses. Je penserai que c’est ma faute. Envoie-lui un télégramme dès ce soir, ou mieux encore, téléphone.
    — Sans chaperon, je ferai jaser.
    — Les gens cancanent déjà. Pourtant ta boutique demeure prospère, et ton Casanova a été élu par acclamation, il y a peu de jours.

    En reprenant le bras de sa mère pour parcourir les quelques pas les séparant encore du commerce, il ajouta:
    — Tu pourras même lui laisser entendre que la durée de ton séjour là-bas sera proportionnelle à la réputation du cabinet où il me dénichera un emploi.
    Avec une pareille récompense, le député ferait des pieds et des mains. Peut-être même forcerait-il la porte de l’étude de maître Louis-Alexandre Taschereau, député de Montmorency et vedette du cabinet provincial.

    Chapitre 7

    Dans son bureau, Édouard entendit la sonnerie une première fois, puis une seconde, avant que la domestique n’ait même eu le temps de quitter la cuisine.
    — Bon, qui s’impatiente de me voir à ce point ? grommela le marchand en fermant le grand registre sur sa table de travail.
    Il quitta son siège pour gagner le couloir au moment où Julie laissait entrer le visiteur. Il reconnut Armand Lavergne.
    Tout au long de la guerre, l’agitateur lui avait promis l’imminence d’un
    événement
    historique
    susceptible
    de
    secouer
    tout le Québec sur ses bases. Le retour à la paix, le désir largement partagé par tous de reconstruire les ponts entre les Canadiens le mettaient en quelque sorte à la retraite.
    — Armand, fit-il en lui tendant la main, comment vas-tu ?
    Dans les années 1900, il l’appelait «Monsieur». Mais les bouteilles d’alcool de contrebande partagées depuis rendaient inutiles les formules de politesse.
    — Bien. . même si je reconnais que j’aimerais soustraire dix ans à mon âge.
    À la veille de ses quarante ans, l’homme offrait toujours une masse de cheveux ondulés un peu trop longs. Toutefois, de nombreux fils gris trahissaient le passage cruel du temps.
    Les traits demeuraient harmonieux, juvéniles, mais ils s’empâtaient, des poches soulignaient ses yeux.

    — Console-toi en pensant { l’expérience accumulée. Les gens me regardent encore comme si j’étais un adolescent.
    — Crois-moi, je préférerais ton problème au mien.
    Ce genre de discussion ne les conduisait nulle part.
    Plutôt que de s’y complaire, Edouard proposa :
    — Viens dire bonsoir à ma mère, puis je te servirai quelque chose.
    Dans cette grande demeure, depuis la mort de Thomas, chacun passait ses soirées seul. Elisabeth se réfugiait le plus souvent dans le grand salon avec un livre. A leur entrée dans la pièce, la femme leva les yeux, trouva son plus beau sourire en se levant.
    — Monsieur Lavergne, quelle heureuse surprise !
    Elle tendit la main vers le visiteur. La formule tenait à son rapport étroit avec les manuels de

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