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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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faire fuir la clientèle.
    Comme son fils gardait un visage troublé, elle enchaîna :
    — Je devine que tu as une autre mauvaise surprise en réserve pour moi.
    — . . J’aimerais aussi emménager ailleurs.
    Cette fois, Marie encaissa le coup plus rudement. Les coins de ses yeux s’alourdirent de larmes.
    — La présence de Françoise. . commença-t-elle après un moment.
    — Non, pas vraiment.
    — Que se passe-t-il exactement, avec elle ?
    — Je ne comprends pas bien moi-même. Je suppose qu’en 1916, une jolie fille timide et rougissante présentait pour moi une promesse de bonheur éternel. Aujourd’hui, la magie n’existe plus.
    Elle a bien raison de chercher ailleurs.
    Leur innocence réciproque les avait réunis au début. Ils étaient tous les deux si jeunes ! Françoise le demeurait tout autant, du moins à ses yeux. Lui sentait le poids de nouvelles décennies sur ses épaules.
    — C’est juste elle, ou bien toutes les femmes te font cet effet?
    — Toutes les femmes, cela donne beaucoup de monde.
    Marie ne put retenir un éclat de rire.
    — Quelque part, continua le fils, il se trouve peut-être une jolie fille capable de chasser les idées noires de la tête d’un vétéran. Le tout est de savoir si elle s’aventurera un jour sur son chemin, et quand.
    La mère posa sa main sur celle de son fils, la tint un long moment avant de murmurer :
    — Avec Thalie, tu fais une bonne équipe.

    — Ne crains rien, je ne songe pas { m’éloigner de Québec. Mon inscription { l’Université Laval est déj{ faite.
    Je serai tout près de toi.
    — Ce n’est pas ce que je veux dire. Depuis un mois, elle m’explique combien tu dois trouver difficile de renouer avec ton ancienne existence, après les événements. .
    Jamais Marie ne référait explicitement à la guerre, à l’expérience singulière de tuer ses semblables et de risquer d’être tué par eux.
    — Je ne lui ai pas demandé de te parler.
    — Je le sais bien. Elle a deviné. . et en toute honnêteté, j’en arrivais aussi au même constat, tout en espérant que les choses redeviennent comme elles l’avaient été.
    — Ce n’est plus possible de continuer { vivre ainsi. Je suis devenu un adulte.
    Elle eut de nouveau un ricanement bref. Dans la plupart des familles, les jeunes gens quittaient la maison au moment de se marier, pas avant.
    — Quels sont tes plans, précisément ?
    — J’ai demandé { Paul de voir si dans son entourage un avocat ne voudrait pas d’un clerc prêt à travailler bénévolement.
    Je veux me replonger dans l’étude du droit. La rentrée de septembre m’effraie un peu. Je crains d’avoir tout oublié.
    — Je suppose qu’il y arrivera. Et au sujet du logement?
    — Je verrai dans les maisons de chambres autour de l’université.
    La petite main féminine se crispa sur la sienne. Cette désertion du foyer la troublait fort.
    — Je te promets d’aller souper tous les dimanches à la maison, et sans doute à de nombreuses autres occasions aussi. Je n’ai aucune querelle avec les membres de la tribu Dubuc, et je t’aime toujours autant.

    — . . Tu pourras attendre quelques jours avant de déménager tes pénates ?
    — Cela ne revêt pas un caractère urgent. Pourquoi ?
    — Une idée, comme ça. Je pourrai peut-être te suggérer un endroit où habiter.
    Elle songeait bien sûr aux projets d’Elisabeth. Le savoir l{ lui donnerait au moins un peu l’impression de continuer de veiller sur lui. Le garçon tint à préciser :
    — Dans le cas du commerce, toutefois. .
    — Tu descendras les jours où tu te sentiras capable d’affronter les clientes, tu t’abstiendras les autres jours, jusqu’{ ton départ.
    — Que feras-tu ?
    — De nombreuses manufactures ont procédé à des mises à pied. Je pourrai peut-être même réembaucher l’une des vendeuses qui ont déserté au cours des dernières années pour aller dans les usines de munitions. Au pire, je trouverai une jeune fille fraîchement débarquée de sa campagne et je la formerai. Ne t’inquiète pas.
    Mathieu hésita un moment avant de continuer :
    — Sur le plan financier, ce ne sera pas trop difficile ? Cela te coûtera un salaire de plus. Déjà, Françoise reçoit une rémunération. .
    — Amplement méritée. Tu sais, en mourant, Alfred m’a laissé un commerce libre de dettes. Si les affaires n’ont pas été excellentes pendant la guerre, j’ai tout de même pu économiser tous les ans. Je pourrais même t’aider { payer

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