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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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civilité, en particulier celui de la baronne de Staffe. En réalité, du vivant de son époux, jamais ce boutefeu n’aurait osé franchir le seuil de la porte.
    — Madame, soyez sûre que tout le plaisir est pour moi.
    Je suis enchanté de vous voir. Je vous réitère ma plus profonde sympathie pour le deuil qui vous afflige.
    — Je vous remercie.
    Le rappel du décès fit passer une ombre sur le visage de la veuve. Elle se détourna un moment.
    — Nous allons te laisser retourner à ta lecture, déclara son fils, troublé par la scène. Je te souhaite tout de suite bonne nuit, au cas où tu te retirerais avant que nous ayons fini de refaire le monde.
    — Bonne nuit aussi.
    — Madame, la salua Lavergne en inclinant la tête, avant de se retirer sur les pas de son hôte.
    Les deux hommes revinrent vers la bibliothèque.
    Spontanément, Edouard se dirigea vers une armoire afin d’en sortir une bouteille de cognac. Le visiteur prit place dans l’un des deux fauteuils placés de part et d’autre de la cheminée. En acceptant le verre, il déclara :
    — Ta mère demeure une femme magnifique. Honnêtement, je pense n’en avoir jamais croisé de plus belles. Des égales peut-être, mais pas plus belles.
    Elisabeth était pourtant son aînée de deux ans. Entre ces deux individus particulièrement choyés par la nature, il existait une différence notable: elle était une femme au charme juvénile, lui incarnait l’adolescent refusant son âge.
    — Si tu continues, je me méfierai de tes visites, { l’avenir.
    — Oh ! Comme tu le sais, je suis marié.
    — Ce n’est pas toujours un empêchement.
    Le commerçant se cala dans son siège en avalant une gorgée de cognac.
    — Je ne suis pas le plus vertueux des hommes, mais je demeure plutôt raisonnable en ce domaine.
    Edouard préféra ne pas aborder la question de ses propres turpitudes. Il ramena la conversation sur leur sujet de prédilection
    :
    — Tu as dû être impressionné par la victoire de Lomer Gouin, lundi. Les conservateurs sont allés au massacre.
    — Avec les fantômes de la conscription, pas un Canadien français ne pouvait voter pour Arthur Sauvé sans risquer de se faire lapider sur la place publique.
    — Tout de même, là tu exagères. Le chef a été élu.
    — Bon, bon, si tu veux t’arrêter aux détails, j’en conviens.
    Mais excepté lui, les autres conservateurs viennent des comtés de langue anglaise.
    Le commerçant n’arrivait pas { deviner si son visiteur s’en réjouissait ou non. Au plus fort de la crise de la conscription, Lavergne avait présenté Lomer Gouin comme le seul espoir de la race. La paix revenue, il semblait regretter de voir l’opposition réduite à une portion si congrue de l'échiquier politique.
    — Cette histoire d’une nouvelle guerre, y crois-tu ? demanda-t-il.
    — L’Empire a déj{ entraîné des soldats canadiens dans la lutte contre les bolcheviques de Russie, sans même que le Parlement d’Ottawa ne donne son avis.
    — Seuls des volontaires ont été mêlés à cette opération. .
    — Us veulent aussi nous engager dans l’aventure turque.
    Ce sont des incorrigibles.
    Un moment, l’agitateur avait retrouvé le ton qui enflammait les travailleurs de la ville de Québec contre l’enrôlement obligatoire.
    — Ils perdent leur temps, opina le marchand. Même Borden n’osera jamais faire cela. La guerre est finie, le bonhomme doit maintenant songer à sa réélection.
    — Borden ne fera pas la prochaine campagne électorale.
    Il est fini.
    — Ce sera la même chose pour son successeur.
    Edouard avait raison, même son interlocuteur devait en convenir. Celui-ci se perdit un moment dans la contemplation de son verre, cherchant visiblement le meilleur moyen d’aborder le véritable motif de sa visite.
    — Le gouvernement tarde { convoquer l’élection partielle dans le comté de Québec-Est.
    — Tu penses ?
    — Sir Wilfrid est mort depuis des mois, mais nous n’entendons parler de rien.
    — Je suppose que Robert Borden agira au moment de l’ouverture de la session. De toute façon, comme le Parti libéral n’a pas encore de chef, rien ne presse.
    Le commentaire amena le visiteur à se renfrogner un peu. Il leva son verre en disant :
    — Tu permets ?
    — Bien sûr, sers-toi.
    Lavergne alla se verser une nouvelle ration de cognac.
    — Je ne vois pas le lien entre le choix du chef et le déclenchement de l’élection complémentaire, déclara-t-il en revenant s’asseoir.
    —

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