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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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demeure de son enfance, représentait une transition bien rassurante.
    — Cette amitié entre vous deux m’étonne un peu. Je me souviens de scènes bien troublantes. Par exemple, au moment des funérailles d’Alfred. .
    — Cela tenait seulement à sa présence à lui.
    La femme demeura songeuse un long moment.
    — Tu sais, se remémora-t-elle, je l’ai vue en 1896, le jour de sa sortie du couvent. Cet. . cet homme l’a amenée au magasin afin de lui fournir une nouvelle garde-robe. Je l’ai trouvée bien sympathique.
    Après un nouveau silence, elle admit encore :
    — Même si je crevais de jalousie, je l’appréciais vraiment. Je côtoyais sans cesse la plus grande misère. Cette grande blonde innocente battait des cils et tout lui tombait du ciel. Vêtue de neuf, elle habitait une grande maison et s’occupait de deux jeunes enfants. . Encore aujourd’hui, elle est bien plus riche que moi. Pourtant, je n’ai pas cessé de travailler pendant toutes ces années.
    Mathieu serra le bras maternel de sa main. Le couple traversait la place Royale, en route vers le quai de la traverse de Lévis.
    — Elle a montré sa taille élancée, ses cheveux d’un blond doré, ses yeux bleus, et l’argent est venu { elle.
    — Elle se trouve dans une grande pension, seule, forcée d’apprendre { gagner sa vie, au moment où tu vas rejoindre ton amoureux. La vie a été bien cruelle pour toi, je l’admets !
    Marie laissa échapper un rire étonnamment juvénile.
    — Tu oublies mes deux enfants exceptionnels.
    Quand ils arrivèrent près de l’embarcadère, elle retrouva son sérieux pour dire en lui prenant les deux mains :
    — Tu vas t’occuper de toutes ces jeunes filles.
    — Comme un père intransigeant. Couchées tôt, je les mettrai ensuite au travail d’une étoile { l’autre. Amuse-toi bien et ne pense pas à nous.
    —Je penserai sans cesse à vous.
    — Si tu promets de nous oublier parfois, je m’engage {
    sourire à toutes les clientes.
    La femme se leva sur le bout des pieds pour embrasser son fils, puis elle embarqua sur le traversiez Dans quelques minutes, elle monterait à bord du train roulant vers les Provinces atlantiques.

    *****
    Les jours de grande bataille, le réveil venait avant l’aube.
    Pour Mathieu, quitter la maison se plaçait sous le même registre. A cinq heures, lassé de contempler son plafond dans la pénombre, il décida de se lever pour faire sa toilette.
    A six, il entrait dans la cuisine afin de préparer le thé. Sans surprise, il y trouva Gertrude hantée par sa vieille fracture à la jambe, un souvenir très souvent douloureux. Elle contemplait un bout de la ville par la fenêtre, les traits durcis.
    — Tu es déjà debout, dit tout bas le garçon en faisant mine de mettre de l’eau dans une bouilloire.
    — Laisse, je m’en occupe, rétorqua la vieille en lui enlevant l’objet des mains.

    Mieux valait la laisser faire. La domestique tolérait mal île voir son royaume envahi. Elle précisa, tout en s’affairant:
    — Je suis comme toi : autant se lever que de rêvasser au lit.
    — J’aime bien lire, d’habitude. Je me sens un peu perdu, aujourd’hui.
    — Ah ! C’est une honte, se faire chasser ainsi de sa propre maison. Quelle mijaurée !
    La condamnation fut soulignée d’un bruit métallique quand la bouilloire entra en contact avec la cuisinière.
    — Que veux-tu dire ? Qui chasse qui ?
    Gertrude hésita un moment, chercha comment exprimer toute son indignation sans élever le ton. Sa grimace se révéla bien éloquente.
    — Cette fille de député, avec ses airs de sainte nitouche.
    Recevoir un prétendant sous tes yeux ! Quelle garce !
    — . . Ne prononce pas des paroles semblables { l’égard d’une personne que j’estime. Nous nous sommes toujours très bien entendus, toi et moi. Ne fais rien pour détruire notre affection. Tu m’es très chère.
    Interdite, profondément touchée par la confidence, la vieille femme demeura un long moment silencieuse.
    — De l’estime pour elle ? risqua-t-elle.
    — Bien sûr. Elle demeure aussi gentille, aussi sensible et aussi désirable que le jour où je l’ai connue.
    — Elle te trompe avec un commis de banque !
    Le ton exprimait un mépris si grand que Mathieu pouffa de rire. Le premier ministre aurait affiché le même air si sa fille lui avait annoncé être entichée d’un garçon d’écurie.
    — Elle ne me trompe pas. Je suis parti en 1917. Cela représentait une véritable trahison. Dans

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