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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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cette histoire, Françoise est la partie lésée. Pas moi.
    — Elle aurait pu attendre sans regarder ailleurs.

    — Moi, j’aurais pu rester ici. Penses-y: le fils unique d’une veuve. Je ne risquais nullement d’être appelé.
    Le rappel des circonstances de son départ laissa la domestique bien perplexe.
    — Maintenant, tu es l{, s’entêta-t-elle à plaider encore.
    Les choses peuvent reprendre comme avant.
    — Nous ne sommes plus les mêmes personnes. Et puis tu le sais bien, je suis encore là-bas, en Europe.
    Elle abandonna la cuisinière pour venir s’asseoir { la table, près de lui.
    — Tu veux dire à la guerre ?
    — Dès que je m’arrête, les images défilent dans ma tête, c’est un peu comme les films présentés { côté, au cinéma Empire. Sauf que moi, je vois des couleurs, surtout du rouge, et j’entends des hurlements.
    La bonne demeura muette. L’enthousiasme de la victoire, puis les interminables discussions de paix à Versailles, faisaient oublier les horribles articles des journaux publiés à peine douze mois plus tôt, sur la vie au front.
    — Mais pourquoi quitter une maison où tout le monde t’aime? Les cauchemars s’oublient mieux dans les bras d’une mère, ou d’une amoureuse.
    — Ce ne sont plus des mauvais rêves d’enfant. Maman n’y pourrait rien. Peut-être une autre femme. . mais ce ne sera pas Françoise. Tu ne le comprends pas ? Elle est trop innocente, trop fragile. Ce n’est plus une compagne pour moi.
    Gertrude commençait à comprendre que, dans cette histoire, Mathieu n’était peut-être pas le laissé-pour-compte.
    Elle se leva pour verser l’eau devenue chaude dans la théière.
    A son retour, elle la posa sur la table, avec deux tasses.
    — Cesse de lui faire une si mauvaise mine, plaida le jeune homme, elle ne le mérite pas. Surtout, tu n’as pas fini de l’avoir dans les pattes.
    — . . Que veux-tu dire ?
    — Tu n’as pas compris ? Maman voit ses enfants quitter la maison, elle est follement amoureuse de son petit député.
    Pour la première fois, la pauvre a un véritable prétendant, elle ne le laissera pas s’en aller. Ce genre de chance ne se représentera plus.
    Evidemment, dans la vie d’une femme, Alfred ne pouvait se qualifier en tant qu’amant. Pour Marie, Paul se révélait vraiment le premier. Mathieu poussa son argument :
    — Maman est devenue la meilleure belle-mère du monde pour Françoise. Selon toi, quelle personne veut-elle séduire en s’occupant si bien de son invitée ?
    Gertrude demeura un long moment songeuse. Le garçon en profita pour verser du thé dans les tasses.
    — À moins que tu ne décides d’aller travailler ailleurs, Françoise sera encore un long moment dans ton horizon.
    Elle hocha la tête pour signifier sa compréhension.
    — Tout de même, tu n’as pas { quitter la maison.
    — Je suis parti en 1917. Tu connais beaucoup d’hommes qui reviennent chez maman après deux ans ?
    De nouveau, elle acquiesça. Autant se faire une raison.
    Après tout, aller vivre de l’autre côté du Château Frontenac représentait un exil bien léger. Il se trouverait encore à l’intérieur des murs de la vieille ville.

    *****
La messe se déroula lentement, au rythme du cardinal devenu vieux et fatigué. Sur le parvis, les habitants de la paroisse Notre-Dame-de-Québec s’attardèrent un moment, désireux de parler un peu avec des voisins tout en profitant du beau soleil. Les femmes arboraient leurs plus belles toilettes, les hommes les contemplaient tout en faisant mine de se passionner pour la politique municipale.
    Dans le passé, les Picard de la rue de la Fabrique s’étaient esquivés dès la fin de la cérémonie afin de ne pas rencontrer ceux de la rue Scott. La mort de Thomas rendait cette nécessité moins impérieuse. Le frère et la sœur saluèrent le couple composé d’Edouard et Evelyne, puis celui d’Eugénie et Fernand Dupire. Ceux-là traînaient en remorque une vieille dame obèse et percluse. En réalité, l’homme se montrait attentionné pour sa mère, la femme tapait du pied d’impatience.
    — Catherine, décréta bientôt Thalie, je dois absolument te montrer le parc Montmorency. Pendant toute mon enfance, ce fut mon terrain de jeu favori.
    Toutes les deux gagnèrent la rue Buade, bras dessus, bras dessous. Françoise commenta :
    — Je me trouve bien étonnée. Elle est protestante, et elle a assisté à une messe catholique.
    — Tant qu’elle garde son chapeau et ses

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