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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vécu de telles horreurs.
    — John accepte de t’en parler ?
    Catherine se tourna à demi. Malgré l’obscurité, elle distinguait les grands yeux sombres, les longs cils.
    — Non, pas un mot. Je parie qu’il désire m’épargner, faire en sorte de me tenir dans l’ignorance de sa vie d’enfer au front.
    — J’ai demandé bien des fois { Mathieu de me raconter.
    Cela lui ferait du bien, j’en suis certaine. Mais il se ferme, comme une porte de prison.
    — Tu es sa sœur. C’est pour te préserver, conserver ta quiétude.
    Cela paraissait bien probable. Le grand frère jouait toujours son rôle de protecteur, même s’il était, et de loin, le plus meurtri des deux.
    — Tu as vu son foutu gant? Il ne m’a jamais vraiment montré sa blessure.
    — Mon frère non plus.
    — John a été blessé à la jambe, je comprends sa pudeur.
    Mathieu, c’est le doigt !
    De nouveau, elle plongea dans ses pensées, demeura muette. Puis elle reprit:

    — Parfois, sa démarche devient toute raide. C’est bien pire qu’un doigt en moins, je pense. A ce sujet aussi, il demeure affreusement discret.
    Catherine posa son bras en travers de sa poitrine, comme pour la consoler. L’autre retrouva sa contenance, assez pour dire:
    — Demain, ce sera ta première journée d’apprentie vendeuse. Mieux vaut dormir.
    Elle posa ses lèvres sur la joue de sa voisine, qui lui retourna la pareille, avant de se placer sur le côté, le visage vers le mur. Son amie prit la même position, se retrouva le visage dans la masse de cheveux noirs.

    *****
Marie s’arrêta près de la porte, une petite valise { la main.
    Son fils se tenait à son côté. Elle posa le bagage sur le sol, fit de nouveau la bise à Catherine.
    — Je m’en veux de te laisser seule, répéta-t-elle encore.
    C’est si malpoli.
    — Je ne suis pas seule avec Mathieu, Thalie, Françoise et Gertrude. Profitez bien de votre congé, et revenez reposée dans deux semaines.
    — En plus, te voilà mobilisée comme vendeuse.
    Le rire de la jeune fille résonna un moment. Depuis le matin, elle tentait de se rendre utile dans le commerce.
    — Je ne sers pas à grand-chose.
    Depuis la caisse, Thalie consulta l’horloge accrochée au mur. Le temps passait bien vite.
    — Maman, si tu ne pars pas, le pauvre monsieur Dubuc se passera de ta présence ce soir.
    — Tu as raison. Au revoir tout le monde.
    Mathieu se montra le plus rapide pour prendre la valise.
    Sur le trottoir, le jeune homme proposa de nouveau :

    — Nous pouvons prendre un taxi, ou même le funiculaire.
    — Non, pour descendre, la côte de la Montagne me convient. Dans l’autre sens, j’accepterais ton offre. Cela doit être un signe de vieillesse.
    Elle offrait pourtant un visage rayonnant, celui d’une jeune amoureuse. Quelques minutes plus tard, en passant sous les grands bras de bronze de la statue de Mgr de Laval, elle demanda :
    — Es-tu heureux de ton entente avec le gouvernement?
    La marchande distinguait mal l’ensemble des ministères.
    Tout au plus comprenait-elle que son fils aiderait à punir les criminels. Cela lui paraissait un travail fort convenable.
    — Le salaire suffira à payer ma chambre. Je me tirerai très bien d’affaire.
    Le garçon s’interrompit un moment, un peu inquiet.
    — Tu ne m’en veux pas ?
    — Si les petits oiseaux demeuraient dans le nid toute leur vie, nous vivrions dans un monde bien étrange. Ma tête comprend très bien votre désir, { toi et { ta sœur, mais mon cœur aimerait vous enfermer tous les deux.
    Mathieu passa son bras libre sous celui de sa mère. Elle s’appuya un peu sur son épaule.
    — Curieusement, ton absence des deux dernières années ne rend pas les choses plus faciles. La douleur de te voir partir demeure la même.
    Elle se mordit la lèvre inférieure, puis révéla le fond de sa pensée :
    — Tu parais si malheureux, parfois. J’en viens { craindre que tu commettes une folie.
    — Comme un suicide ?
    Le jeune homme ralentit son pas au point de forcer sa mère à lever les yeux vers lui.

    — Rassure-toi, répondit-il. J’ai appris combien je tiens à la vie dans les plaines des Flandres. J’ai juste du mal { m’ajuster { une existence normale.
    — Savoir que tu seras le premier locataire d’Elisabeth me réconforte un peu. Elle aura un œil sur toi.
    Cette surveillance-l{ n’effrayait pas tellement Mathieu.
    Au contraire, la grande maison de la rue Sainte-Geneviève, située à cinq minutes, tout au plus dix, de la

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