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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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nuits-là combien il était juste et nécessaire qu’on puisse avec un seul mot dire le sentiment et le corps.
    Ils s’aimaient sans hâte. Elle était douceur et noblesse, et Allen, pour elle, attention et tendresse. À la fois effleurée et saisie, elle découvrait ce rythme instinctif des hanches, cette cadence accordée à l’autre. Et qui est l’un et qui est l’autre ?
    Le dernier jour, la banlieue de New York les enfermant peu à peu, les voitures autour d’eux comme une foule, la sensation après les semaines d’horizons ouverts, de ciel à l’infini, de pénétrer dans un espace cloisonné, poutrelles, murs, lignes tendues de pylône en pylône, le dernier jour Tina et Jorge assis sur la banquette arrière de la voiture et Allen devait se pencher pour apercevoir dans le rétroviseur le visage de Tina.
    — Vous repartez quand ? demanda-t-elle.
    Il eût suffi peut-être qu’il dise : « Vis avec moi, quitte Bowler, viens, Jorge est notre fils, installons-nous dans un lieu neuf, où jamais ni toi ni moi n’avons posé les yeux, viens, commençons à vivre, demain est l’origine. »
    — Pour Jorge, reprenait Tina, Richard…
    Elle racontait l’été 1939, sur la plage de Long Island, Richard Bowler qui prenait Jorge par la taille et le soulevait au-dessus des vagues.
    — L’Europe, dit Allen, j’aimerais qu’ils me renvoient là-bas, la guerre va se prolonger.
    Jorge dormait quand ils arrivèrent devant l’immeuble qu’habitaient, 44 e  Rue, Tina et Bowler.
    — Je ne veux pas le réveiller, dit Tina.
    Allen se pencha vers Jorge recroquevillé dans le coin du siège, le souleva, le garda contre lui.
    — Ne monte pas, murmura Tina.
    — Bête, dit Allen, trop bête.
    Il avait l’impression d’être cet aveugle qui se cogne contre tous les obstacles, et qui zigzague, cherchant vainement sa route.
    À mi-parcours de cette vie…, In mezzo del camin
    Je me retrouvais dans une forêt obscure
    Car j’avais perdu le droit chemin.
    Certitude qu’il était trop tard, la route effacée. Il ne restait qu’à tâtonner en essayant de ne pas faire trop de mal aux autres.
    Tina l’embrassait et lui abandonnait Jorge. Elle souriait, elle faisait non de la tête, elle fermait les yeux.
    — Il ne faut pas trop demander, disait-elle – de sa main gauche, tout en soutenant Jorge qui continuait de dormir, elle s’essuyait les joues – nous avons déjà beaucoup obtenu. Vivre ensemble…
    Elle haussa les épaules d’un mouvement brusque, sa bouche serrée, amertume ou résolution.
    — Si nous ne l’avons pas fait, reprenait-elle, c’est que nous ne le voulons pas, ni toi ni moi, cela ne sert à rien de rêver.
    Elle s’écarta de lui.
    — Vous partez quand, Allen ?
    — Si je le pouvais, demain.
    — Il y a longtemps – elle était revenue vers lui – vous m’avez téléphoné, depuis le quai, vous alliez en Chine, vous m’avez demandé de venir avec vous – elle se mit à rire – naturellement je n’ai pas pu. Après – elle rit plus nerveusement – bien sûr, je l’ai regretté, j’ai téléphoné, le bateau était loin.
    — Deux idiots, dit Allen.
    — Oui, Allen, deux idiots.
    Elle l’embrassa avec vivacité, presque de la gaieté.
    — Téléphonez-moi avant de partir, dit-elle.
    Et elle lui tourna le dos.
    Écrire. Élever le barrage des mots qui déjà tant de fois l’avait protégé. Mervin, Malcolm, Schuller, téléphonaient. Allen enfermé dans son appartement 6 Bedford Street refusait de les voir.
    « … Ça va disait-il, ça va bien. »
    Ils s’inquiétaient.
    « … Tina, expliquait Malcolm, m’a dit que tu devais partir pour l’Europe, je suis prêt, je t’organise le voyage, qu’est-ce que tu veux, Londres, Lisbonne, Rome ? »
    Allen grognait.
    « … Dans trois mois, en mai ou juin. J’aurai fini. »
    « … Un livre ? – Malcolm poussait, toujours théâtral, un cri de joie – Et tu ne le disais pas à ton éditeur ? Comment veux-tu que je prépare le lancement ? »
    « … Je n’en savais rien moi-même. »
    Gallway s’était assis à sa table, dès le lendemain matin de son retour à New York. Il avait jeté la housse de la machine à écrire par terre, glissé une feuille dans le tambour, et le bruit d’engrenage qu’il provoquait en faisant tourner le papier, ces secousses, cette rotation saccadée l’entraînaient en même temps que la page, la hâte de commencer, cette chiquenaude du bout

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