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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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dernière flamme. Elle eut peur, eut la tentation de fermer la porte, de rentrer dans sa chambre, de se coucher sans se dévêtir.
    — J’ai téléphoné ce matin, c’est moi.
    Elle ne bougeait pas, elle ne le voyait même plus, attentive seulement à déchiffrer en elle le souvenir, cette voix, la silhouette.
    — Je suis Machkine, dit-il au moment où elle atteignait enfin la certitude que c’était Machkine.
    Elle avait peur, plus encore. Elle lui tourna le dos, laissant la porte ouverte, entrant dans sa chambre, s’asseyant près de la table. Il l’avait suivie. Il était sur le seuil, il hésitait, un baluchon à la main. Il fit un pas et elle s’enfonça dans le fauteuil, écrasée par ces années, vingt-trois ans, la guerre, le siège, Ivan, Kostia, Marek, et surgissant d’avant tout cela, Machkine.
    Il restait debout. Sans se tourner, comme s’il ne voulait pas cesser de regarder Anna Spasskaia, il tâtonna de la main gauche pour fermer la porte derrière lui. Il s’y appuya comme le faisait souvent Ivan, son fils qu’il ne connaissait pas.
    — Après la mort de Staline, dit-il, ils ont commencé à relâcher les plus vieux, ceux qui avaient plus de vingt ans de camp.
    Elle vit qu’il ne lui restait que quelques dents. Il parlait lentement comme s’il lui fallait pousser les mots l’un après l’autre.
    — Je suis en règle, murmura-t-il.
    Il fit le geste de chercher dans sa veste les documents. Elle se leva, lui prit le baluchon sans qu’il bougeât, le guida jusqu’au fauteuil, le força à s’asseoir. Mais de l’avoir touché faisait renaître sa peur.
    — C’est eux qui m’ont donné ton adresse. Ils disent que je peux rester là si tu l’acceptes.
    Elle enlevait son manteau d’un mouvement vif, elle courait au placard, sortait la théière, le réchaud, versait de l’eau du broc dans la casserole, poussait vers lui le sucrier, une boîte de biscuits américains que Krassov lui avait offerte et qu’elle gardait pour Ivan ou pour les jours de désespoir quand sentir fondre la pâte dure et sucrée dans la bouche lui rendait un peu de courage.
    — Je ne resterai pas longtemps, reprenait Machkine.
    Il avait trempé un doigt dans le sucrier, regardait les grains de sucre, portait le doigt à ses lèvres.
    — Tant qu’on n’est pas sorti, on sait pourquoi il faut vivre.
    L’eau commençait à bouillir. Anna ne trouvait plus les verres, les cuillères. Ivan, Ivan, il fallait prévenir Ivan, qu’il ne rencontre pas son père sans en être averti.
    — Je viens mourir près de toi, dit Machkine de la même voix lente.
    Anna se mordit les doigts pour ne pas crier.
    — Bois, dit-elle.
    Elle versait le thé.
    — Bois.

4

LES GÉANTS ET LES DIEUX

1959

Les Géants et les Dieux.
    Allen Roy Gallway n’avait trouvé le titre de son livre qu’au moment où il relisait le manuscrit. Il s’était interrompu, avait appelé Sarah. Il avait dû refaire plusieurs fois le numéro, les lignes téléphoniques avec le midi de la France étant toujours encombrées, enfin il pouvait l’interroger et l’entendre répéter avec enthousiasme : « … Bon, Allen, très bon, Allen, sûrement votre meilleur titre, quand me donnerez-vous le manuscrit ? »
    Comme à chaque fois il se dérobait malgré la tentation, le désir de commencer à le lui lire au téléphone, l’envie de prendre l’avion pour le lui apporter.
    — Le sujet, dites-moi au moins le thème, Allen, que je commence à rêver ?
    — Vous, répondait Gallway, notre siècle.
    —  Guerre et Paix, quoi – Sarah riait en répétant – le même genre de titre d’ailleurs. Avec l’âge, Allen, vous devenez audacieux.
    Il allait raccrocher, se souvint :
    — Bon anniversaire, Sarah.
    Elle rit à nouveau.
    — C’est dans une semaine et il me semble que c’est le vôtre aussi et celui de Serge, nous sommes le club du 1 er  janvier.
    — Il y a cela aussi dans mon livre, dit Gallway.
    — Les dieux nous guident, dit Sarah, c’est votre thèse ?
    Il grommela, dit que s’il le pouvait il la rejoindrait au Mas Cordelier pour le réveillon, qu’il avait envie de voir et d’entendre Nathalia.
    — Belle ? Encore plus belle ? demanda-t-il.
    — Dix-sept ans, dit Sarah.
    Ils se turent quelques secondes.
    — Comment vous portez-vous à l’approche de vos soixante, c’est le cap Horn, non ? reprit Sarah.
    — Bah, dit Allen, bah.
    Sarah rit :
    — Un sale moment, dit-elle, venez, nous carguerons

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