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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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cru, bon an mal an depuis 1944, voilà que c’était fangeux, « pâteux comme tout le reste », disait-elle.
    Son père qui triomphait sans retenue, publiait un livre de mémoires : L’Histoire à rebours.
    — Ce n’est pas possible, Allen, disait Catherine, même si en URSS … Soit, nous ici, je vous assure, nous avons toujours été du côté de la générosité, Jaspars – elle avait pris l’habitude depuis qu’elle signait Grave de parler de son père comme d’un inconnu – lui c’est l’égoïsme, il a trahi ses origines, Allen, et que l’histoire lui donne raison, non, je ne peux l’admettre.
    Elle s’éloignait du Parti mais continuait d’écrire aux Lettres Françaises.
    « … D’abord, je dois vivre, ma fille, vous savez qu’elle entre en médecine, déjà, intelligente, trop je me dis, trop pour une femme, et puis au journal, je fais passer un peu d’air. »
    Elle allait écrire un article sur le livre de Marek Krivenko, elle voulait que Gallway le lise.
    — Après, vous jetterez un coup d’œil sur mon article, Allen, n’est-ce pas ?
    Ils s’embrassaient sur le seuil du restaurant, pressés l’un et l’autre de se quitter, la peur entre eux, Catherine craignant de décevoir Gallway, de découvrir dans son indifférence qu’elle n’était plus la jeune femme audacieuse qui savait prendre l’initiative, mais une femme mûre qu’on ne désirait plus que par habitude. Allen, paralysé lui aussi, incertain de vouloir vraiment faire l’amour avec Catherine, honteux par avance du risque de n’y point réussir, si désolant l’échec, la sensation charnelle de la solitude, l’impression d’être un muet qui s’obstine à crier qu’il a besoin d’aide, la pensée inquiétante que l’acte d’écrire et l’acte d’amour étaient les formes différentes d’une même énergie ; l’impuissance alors comme l’annonce de la fin du pouvoir écrire. Gallway abandonnait rapidement Catherine.
    Remettre à demain l’épreuve. Garder l’illusion. Mais cette prudence était pire que la tentative. Le doute, comme une taupe obstinée, creusait la sape. Et Gallway, à sentir peu à peu s’effriter la confiance qu’il avait eue en lui-même, en sa spontanéité, se persuadait qu’il était devenu vieux.
    Ce soir-là, celui du 17 mai, il s’était donc éloigné de Catherine, le livre de Marek Krivenko sous le bras, faisant un signe quand le taxi de Catherine passait près de lui, qui regagnait le boulevard Raspail à pied. Alors avait commencé à tourner l’engrenage qui avait obligé Gallway à ne plus écrire durant douze jours et à modifier l’orientation de son livre. Et peut-être à incurver sa vie.
    Au coin de la rue Bréa et du boulevard Raspail, il avait aperçu Serge Cordelier qui, entouré de plusieurs personnes, parlait avec volubilité. Gallway avait ralenti son pas, souhaitant que Cordelier restât un instant seul afin qu’il pût l’aborder, mais trois voitures officielles noires étaient venues se ranger en double file et Cordelier était monté dans la première. Sans doute l’un de ces dîners en ville qui faisaient partie du métier d’homme politique.
    Depuis plusieurs mois, Gallway ne rencontrait pas Cordelier. Serge, avec le retour au pouvoir du général De Gaulle, était devenu Monsieur le ministre Cordelier, chargé des Anciens Combattants, une attribution qui faisait sourire Sarah. Féroce, elle avait commenté devant Gallway :
    « … Serge ne parlait que de l’avenir de la France, du futur, etc., et on lui donne les vieillards qui ont fait 14-18 et les pensionnés, vous ne trouvez pas ça comique ? »
    — Un premier poste, répondait Gallway.
    — Symbolique, Allen, de ce qu’est la politique. Finalement, si l’on veut s’y faire une place, il faut accepter, toujours accepter, et on remet à plus tard la réalisation de ses idées. La politique, continuait Sarah, je le savais, Allen, j’en trouve la confirmation dans la « carrière » – elle enflait la voix pour tourner en dérision ce qui lui semblait être la passion de Serge – c’est abdiquer.
    À Paris, Gallway n’avait eu qu’une seule fois, depuis mai 1958, en octobre de la même année, l’occasion de rencontrer Serge. Ils avaient échangé quelques phrases rapides dans un dîner, Gallway peut-être trop sévère :
    « … Votre De Gaulle, Serge, avait-il dit, l’armée l’a porté au pouvoir. Chez nous les généraux, s’ils veulent faire de

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