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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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rien ».
    Un fort volume, à la couverture bleue, imprimé par les Presses de la Mission Catholique de Shanghai : Racines chrétiennes de l’homme préhistorique. Un texte inspiré à l’ample cadence ouvrait le livre, emportait Serge.
    «  De l’homme nu d’avant le Christ, écrivait Giulio Bertolini, nous autres hommes de la révélation, nous avons à reconnaître, à proclamer la majesté chrétienne.
    Le monde, quelles que soient les figures qu’il se donne, les langues ou les religions qu’il parle est messe. L’homme nu au crâne bombé et à la lourde mâchoire enfoui dans la terre poussiéreuse d’un continent lointain, l’homme armé de silex est créature de Dieu, il est une page du livre sacré, préface conçue pour le déroulement du grand récit, dont nous ne devons méconnaître aucun moment…»
    Semaines de lecture, de retrouvailles avec le passé familial.
    Serge quittait le Quai, les conférences plongées dans l’actualité vive de cette année 34, pour l’appartement du Luxembourg, bruissant de souvenirs, d’incantations maternelles et des phrases chargées de sens de Giulio Bertolini.
    Un soir, Serge vit de la rue les salons illuminés. Il eut la tentation de se dérober puis, lassitude, fatalisme, il monta, accueilli par sa mère.
    — Je t’ai parlé, déjà si souvent, disait Lucia Bertolini, de Dolorès, mais oui Serge, l’Américaine, deux fois, indienne et mariée à un diplomate, Dolorès Clerkwood. Ton oncle Giulio…
    Elle entraînait Serge. Une femme jeune, au regard immobile, des cheveux d’un noir brutal, tirés en arrière, regardait avancer Serge.
    — Vous le reconnaissez j’en suis sûre, disait Lucia en lui présentant son fils, sur les photos, ce jeune homme, vous-même m’aviez dit…
    Serge aperçut derrière la chaise de Dolorès un garçon de deux à trois ans, vigoureux ; une veste de laine grossièrement tricotée lui donnait une silhouette trapue. Il avait les cheveux blonds mais la peau très brune.
    — Vous êtes comme des demi-cousins, vous ne croyez pas, disait Lucia. – Elle baissait la voix. – Giulio Bertolini a adopté Dolorès et c’est ton oncle.
    — Votre fils ? demanda Serge en montrant l’enfant.
    Il était attiré par ce gosse rieur aux formes lourdes.
    — Ronald, dit Dolorès.
    — Elle a aussi une petite fille, ajouta Lucia, Julia, en souvenir de Giulio. Tu comprends, Serge, c’est notre famille.
    Serge regardait Ronald Clerkwood, le caressait. Il avait envie de l’embrasser. Il aimait le contact de ses mains et de ses bras potelés, de ses joues fraîches.
    — Votre mari est diplomate ? demanda-t-il pour masquer l’émotion qui l’atteignait, lui montrant tout à coup combien, malgré Sarah, il était seul d’être sans descendance.
    — Buenos Aires, Paris, Hambourg, disait Dolorès. Paris, Washington, Moscou maintenant, James vient d’y être nommé – elle souriait – je voudrais que nous nous arrêtions, mais…
    Lucia s’était emparée de Ronald, le berçait.
    — Je n’ai qu’un seul fils, murmurait-elle en regardant Serge.
    — Je désirais avoir des nouvelles de Giulio Bertolini, dit Dolorès, Madame Bertolini…
    Elle voyait Serge pour la première fois mais le devinait incertain, malheureux malgré cette apparence de dandy qui pouvait tromper ; il ressemblait à un gosse boudeur, proche des larmes.
    — Je n’ai pas de petit-fils, reprenait Lucia. Serge refuse de se marier.
    — Votre mari est déjà à Moscou ? demanda Serge.
    Dolorès fit oui de la tête, lui sourit.
    — Je le rejoins avec les enfants.
    Enfants.
    Ce mot que Serge découvrait comme une clé de lui-même, comme une plaie.

6

REFLETS

1937

Dolorès, au centre de la photo, souriante, les mains posées sur les épaules de Ronald qui, debout devant elle, souriait aussi, le visage à ce point ressemblant à celui de sa mère que James Clerkwood regardant la photo en fut comme à chaque fois troublé. Julia était à gauche sur le cliché. Elle avait glissé son bras sous celui de Dolorès et fermait les yeux comme si elle n’avait pas voulu voir l’objectif. Mais l’impression d’identité avec Dolorès était encore plus forte : mêmes pommettes saillantes, même front bombé dégagé car Julia, comme sa mère, tirait ses cheveux en arrière. James eut une fois de plus le sentiment qu’ils étaient tous les trois unis par des forces inconnues, bien plus puissantes que les liens maternels. Lui, le père, exclu de

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