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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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mère et le contact de cette main potelée et moite fit disparaître la colère. Nathalia s’était redressée, se pendait au cou de sa fille, l’attirait vers elle : « Sarah, Sarah, mais pourquoi, tu sais que…»
    Sarah avait juré de ne plus jamais s’absenter sans prévenir sa mère. Elle avait tenu sa promesse jusqu’à ce soir. Maintenant, elle s’arrêtait à chaque marche, lasse déjà. Elle allait rentrer, embrasser sa mère avec tendresse, ne pas répondre, ne rien expliquer, s’asseoir au piano et commencer à jouer, pour l’apaiser et l’oublier.
    Sarah donna un coup de sonnette, entendit des pas qu’elle ne reconnut pas. La porte s’ouvrit et Sarah vit en face d’elle un jeune homme qui souriait, expliquait parce qu’il devinait les questions de Sarah.
    — J’étais au concert.
    Elle se souvint enfin : il s’était levé à la demande de Kuron, avait souri déjà, cédé sa place à Nathalia Berelovitz, s’asseyant dans l’allée.
    — Oui, dit Sarah, je sais, je sais.
    Tout en s’avançant, elle le regardait. Il était à peine plus grand qu’elle, vigoureux, les cheveux très noirs, les sourcils allongés qui accusaient la forme en amande des yeux vifs, rieurs. Nathalia Berelovitz sortit du salon, elle triturait son mouchoir mais malgré ses soupirs, elle parut à Sarah moins désemparée qu’elle n’avait imaginé. Elle embrassa longuement Sarah.
    — Je me suis demandée, disait-elle, tu as disparu si vite, Kuron ne pouvait me raccompagner et toute seule, heureusement, Monsieur Cordelier…
    Sarah se dégagea de l’étreinte de sa mère qui la gênait devant le jeune homme. Celui-ci souriait toujours.
    — J’habite de l’autre côté du Luxembourg, rue de Médicis, mes parents avaient leur voiture, je vous ai attendue, Madame votre mère était inquiète.
    — Il m’a raconté beaucoup d’histoires amusantes, dit Nathalia, nous avons bu du thé.
    Ils s’étaient tous trois assis dans le salon. Cordelier parlait avec désinvolture : « Votre interprétation de Mozart…» Il avait déboutonné sa veste avec une indifférence affectée, glissé ses mains dans les poches de son gilet de soie. « Vous permettez ? » Il allumait une cigarette. « Je connais quelques jeunes officiers américains, mon père…»
    — Le père de Monsieur, commença Nathalia Berelovitz.
    — Serge, Madame, je m’appelle Serge, je vous en prie.
    Installé confortablement, les jambes croisées, il souriait, interrompait souvent Nathalia Berelovitz qui expliquait que Jean Cordelier, le père de Serge, était un savant.
    — Comme Marie Sklodowska, insistait-elle, le père de Monsieur…
    — Serge, Serge.
    — Le père de Serge, reprenait Nathalia, connaissait très bien Pierre Curie, il est l’ami de Marie.
    Sarah, à la dérobée, regardait Serge Cordelier. Elle n’aimait pas cette élégance de dandy, ce col blanc arrondi pincé par une fine épingle d’or. Il lui semblait que Serge jouait un rôle. Elle avait remarqué ses mains larges – celles de Web étaient longues – sa peau mate, cette lourdeur du corps. Elle l’imaginait vêtu sobrement, silencieux. Mais il parlait, tirant de temps à autre sur les pans de son gilet, allumant une autre cigarette.
    — Mon père s’obstine à être pacifiste, disait-il. Je crois au contraire qu’il faut aller jusqu’au bout. Votre Pologne naîtra de notre victoire. Clemenceau…
    Il hésita. Avait-il vu le sourire narquois de Sarah ?
    — Mais je vous ennuie, vous préférez Mozart, n’est-ce pas, Mademoiselle ? Moi aussi. Surtout quand vous êtes au piano.
    Nathalia Berelovitz le retint au moment où il se levait.
    — Nous nous couchons très tard, disait-elle, je n’arrive jamais à dormir, les nuits pour moi, depuis que mon mari est mort…
    Elle soupira, porta le mouchoir à ses lèvres.
    — Sarah me fait la lecture plusieurs heures chaque soir, je ne comprends pas tout, le français est difficile, mais j’aime la voix de Sarah.
    Sarah se sentit rougir. Elle demanda d’une voix tendue :
    — Vous êtes acteur ?
    Redressant la tête, elle surprit l’étonnement de Serge Cordelier. Son aisance laissa place quelques secondes au désarroi. Il tarda à répondre, dit seulement :
    — Moi, pourquoi ?
    — Vous ressemblez à un acteur, reprit Sarah. Vous en avez l’assurance et l’élégance.
    Elle avait quitté le salon, s’appuyait au piano, regardait Serge Cordelier avec ironie.
    — Il me semble vous

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