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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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coupables, Cordelier, disait Baylet, et si vous ne les trouvez pas, je fusille dix otages.
    Baylet prenait son entourage à témoin.
    — Pourquoi serions-nous les seuls à être civilisés ? Les Boches ne comprennent que ça, la musique du peloton d’exécution. On va leur en donner, Cordelier, croyez-moi. Je veux un rapport avec des noms dans une semaine.
    Interrogatoires conduits par un capitaine et auxquels Serge Cordelier assistait, assis dans un coin de la pièce. Une jeune femme avait été arrêtée par les gendarmes dans le hall de la gare d’Essen. Elle arrivait de Munich et son comportement avait paru suspect. Elle avait abandonné sa valise au moment où elle avait aperçu la patrouille de gendarmes. La valise était remplie de tracts nationalistes marqués d’une svastika appelant à l’action contre les Français. Elle refusait de s’expliquer. Le dos appuyé très droit à la chaise, les mains posées à plat sur les genoux, elle regardait fixement le capitaine Lucas et de temps à autre Serge Cordelier. Elle les méprisait, ironique et hautaine, ses cheveux blonds tirés en arrière, dégageant son front bombé.
    Serge n’avait pu longtemps demeurer immobile et silencieux cependant que le capitaine Lucas s’énervait, s’approchait de la jeune femme, criait des questions à ses oreilles. Elle répétait calmement qu’elle était la fille d’un ingénieur de Munich, l’épouse d’un officier, la sœur d’un officier. « Offizier », elle disait « Offizier » avec force comme une insulte pour le capitaine Lucas. « Mon mari, mon frère Karl reprenait-elle, Offizierenfront », officiers du Front. Lucas avait empoigné le revers de sa vareuse, montré les rubans de ses décorations, « trois ans de tranchées », criait-il. « Croix de guerre avec palmes ». D’une voix plus basse, après un silence, la jeune femme ajoutait qu’elle avait été infirmière, « toute la guerre », à l’hôpital militaire de Munich. « Je connais la guerre », murmurait-elle.
    Serge s’était avancé, avait pris le dossier sur le bureau, et il était sorti dans le couloir lisant les pièces saisies, un passeport au nom d’Inge Menninger, née à Munich, le 26 avril 1894, mariée le 1 er  décembre 1918 à Ernst Klein, commandant d’infanterie, une photo représentant deux hommes, sans doute le père et le fils, tous deux en uniforme ; une lettre adressée de Hambourg à Inge Klein. Serge s’installa dans l’encoignure d’une fenêtre qui donnait sur la grande cour du Polizei Praesidium – l’hôtel de Police – occupé par les services français de la justice militaire et la gendarmerie. La pluie battait les vitres, hargneuse, accordée à l’humeur de Serge Cordelier. Il avait voulu être diplomate, il n’était qu’un policier. Décevant début de carrière. Il déplia la lettre, se contentant d’abord de saisir un mot ici ou là, un nom « Karin », éprouvant une curieuse sympathie pour cette écriture rapide et fine, arrondie, souvent ponctuée de points d’exclamation ou d’interrogation. La lettre était longue et la dernière phrase était tracée dans la marge, comme si l’absence seule de papier avait interrompu le propos. Serge Cordelier déchiffra la signature «  ton frère Karl » , suivie d’un post-scriptum presque illisible : «  Ne dis rien encore à propos de Karin. »
    Il faisait froid dans le couloir du Polizei Praesidium. Un gendarme allait et venait devant la porte du bureau où l’on continuait d’interroger Inge Klein et la voix du capitaine résonnait souvent dans le couloir, répétant les mêmes questions : « Qui veniez-vous voir à Essen ? Ces tracts, à qui deviez-vous les remettre ? » Et la réponse toujours identique de Inge, que Serge n’entendait pas mais qu’il devinait : « Cette valise n’est pas à moi, je l’ai trouvée dans le train, j’ai cru bien faire en la descendant sur le quai. » – « Mais vous me prenez pour qui, hurlait le capitaine Lucas, vous imaginez que je vais croire cette fable ! » Un temps de silence, puis : « Je vais vous faire fusiller, Madame, fusiller…»
    Serge s’éloigna dans le couloir, et tout naturellement, sans même qu’il le décidât, il se mit à lire la lettre comme si elle lui appartenait.
    Très chère sœur,
    Je m’inquiétais de toi, de nos parents, de ton mari et voilà ta lettre apportée par le vaguemestre, posée sur mon bureau au-dessus des demandes de

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