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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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se dérobent dans le dédale des petites rues ou s’enfuient vers les quais que nous connaissons mal, dès que nous arrivons. C’est une guerre sordide et humiliante que je hais. Mais pouvons-nous laisser l’Allemagne pourrir ?
    J’aimerais confronter mes idées avec celles de ton mari. Je n’ai plus seulement une grande sœur, mais un grand frère !
    Soyez indulgents avec moi, votre cadet !
    Je vous embrasse tendrement,
    ton frère Karl.
    P.S. Ne dis rien encore à propos de Karin.
    Serge revint lentement vers le bureau où l’interrogatoire se poursuivait, questions hurlées, silences, bruits de pas, sans doute l’officier qui s’approchait de la jeune femme pour la menacer, lui crier que demain matin, elle serait collée au mur comme une espionne, douze balles dans la peau. Tout cela intolérable à Serge Cordelier, brusquement, à cause de cette lettre, de l’intimité qu’elle avait créée entre cette Allemande et lui.
    — Têtue, dit le gendarme qui gardait le bureau, en s’écartant pour laisser passer Cordelier.
    Il saluait Serge, complice.
    Serge le regarda durement et le gendarme rectifia la position, tendit sa main pour un salut réglementaire, ouvrit la porte.
    Inge Klein, née Menninger, sœur de Karl, avait gardé la même attitude, tête et dos droits, mains posées sur les genoux, mais le visage était rouge, les yeux plus ardents encore et elle avait à la commissure des lèvres deux rides, l’esquisse d’un sourire de mépris.
    — Je n’en tire rien, dit le capitaine Lucas en se tournant vers Cordelier. Après tout, si elle veut passer en cour martiale ! Nous lui avons tendu la perche.
    Inge ignorait Serge qui l’observait.
    — Vous voulez essayer ? reprit le capitaine.
    Il avait allumé une cigarette et le pouce passé dans son ceinturon, il fumait, songeur, les jambes croisées sous la table, une attitude débonnaire qui contrastait avec la violence de sa voix quand il interrogeait Inge Klein. Serge replaça sur le bureau le dossier, feuilleta le procès-verbal.
    — Nous allons l’expulser, dit-il, par le premier train.
    Et déjà, pour donner à la décision qu’il venait de prendre un caractère irrévocable, il écrivait rapidement au bas du procès-verbal : Après interrogatoire et examen des papiers saisis sur la suspecte, je soussigné, Serge Cordelier, délégué du Haut-commissaire auprès des autorités militaires, décide que : 1) La susnommée Inge Klein, née Menninger, sera expulsée immédiatement de la zone d’occupation militaire française. 2) Qu’il lui est notifié interdiction de pénétrer à nouveau ou de séjourner dans cette zone. 3) Qu’en cas de violation de cette interdiction elle sera déférée à la juridiction militaire française.
    Serge leva la tête, regarda Inge. Elle détourna les yeux mais un instant il les avait saisis, attentifs, inquiets.
    — Vous… commençait Lucas.
    — C’est ma responsabilité, dit Serge.
    Il signa le procès-verbal, le relut, le tendit au capitaine Lucas.
    — Je veux qu’elle quitte Essen dès aujourd’hui, par le premier train. Vous vous en chargez.
    Le capitaine haussait les épaules, maugréait.
    — Puisque maintenant l’armée obéit aux civils, j’exécute, Monsieur. – Il se levait. – Et jusque-là, elle fait du tourisme avec sa petite valise ?
    Serge s’était approché d’Inge. Il lui lisait le procès-verbal, aurait voulu ajouter d’autres mots aux formules administratives, mais elle ne bougeait pas, méprisante à nouveau, et il dit simplement :
    — Vous n’êtes pas autorisée à sortir jusqu’à votre départ. Il hésita encore, ajouta d’une voix plus basse :
    — Des attentats ont coûté la vie à plusieurs Français, vous pouvez comprendre notre attitude.
    La porte claqua. Le capitaine Lucas venait de sortir. Le soldat qui s’était tenu durant tout l’interrogatoire debout dans un coin du bureau, toussota.
    Serge tendit à Inge ses papiers, passeport, photo, lettre. Elle les posait sur ses genoux, puis au moment où il saisissait la poignée de la porte, elle dit d’une voix joyeuse et provocante :
    — Essen est une ville allemande, Monsieur. Elle le restera quoi que vous fassiez.
    En se retournant Serge vit Inge qui souriait avec ironie.
    Ce ton, ce visage – Serge marchait dans Essen battue par la neige et la pluie, il se dirigeait vers l’hôtel de la Lorelei où il logeait, il dépassait le Stahlhof, répondait machinalement au salut d’un

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