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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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officier – ce ton, cette femme, cette vie qu’il venait de surprendre, comme un diable qui soulève les toits des maisons, et Serge ne pouvait rester dans sa chambre de l’hôtel de la Lorelei, il ressortait, s’installait à l’ Auberge des Quatre canons, dépliait un journal, laissait son regard errer sur les titres, Hambourg en armes, Hambourg insurgée, les barricades barrant les rues, les schupos et les soldats rétablissant l’ordre contre les ouvriers communistes, l’actualité le renvoyait à ce Karl Menninger, officier. Il l’imaginait guidant ses hommes dans la ville rouge, rageur, humilié d’avoir à se battre mais décidé à le faire. Comment disait-il ? Serge revoyait l’écriture de Karl Menninger : « mais pouvons-nous laisser l’Allemagne pourrir ? » Un Karl Menninger ou cet Ernst Klein avaient un jour posé le canon de leur parabellum à la saignée de leur bras, visé calmement le soldat français qui passait au coin de la Hochstrasse et de la Hagenstrasse. Serge pliait délicatement le journal, gestes d’autant plus mesurés qu’il était emporté par des sentiments contradictoires, colère et désespoir, sympathie et haine. Si proche, cette femme fière, si claires toutes ces vies, les préjugés des parents, l’obstination de Karl, et cette Karin Voegel qui attendait dans un appartement de Hambourg l’autorisation du général pour se marier avec Karl. Serge commanda une bière, il était ému comme s’il se fût agi d’amis ou de lui-même. Il imaginait. Il quitta l’auberge à la fin de l’après-midi, découvrant la ville comme s’il venait d’y pénétrer alors qu’il y vivait depuis plusieurs mois. Il s’arrêta devant les brasseries populaires Au maître de forge, Au cheval vert, il saisissait les phrases échangées par les passants. L’imagination le guidait dans la ville. Il retrouvait le bâtiment du Polizei-Praesidium, les sentinelles françaises. Expulsée déjà, Inge Klein ? Il interrogeait le sous-officier commandant le poste, oui, le capitaine Lucas et deux sergents, avec une femme, en voiture. À quoi bon ? Pourquoi ? Serge se dirigeait vers la gare. Rues vides où semblait flotter au-dessus des pavés une buée brillante. La gare était gardée par des gendarmes et des chasseurs qui se tenaient dans le hall, à l’abri du vent. Serge enfonça les mains dans les poches de son manteau. Il serra les poings, répondit sèchement à l’employé qui contrôlait les entrées « commission française ». Il aperçut leur groupe, Lucas, les deux sergents, Inge Klein, sur le quai, à la tête du train. Il hésita, puis ressortit, les poings toujours serrés, traversant la ville à nouveau, regagnant l’hôtel de la Lorelei. Il s’asseyait dans la grande salle à manger à la table des fonctionnaires français, et là, tout à coup, cependant que René Baylet, le haut-commissaire parlait, Serge se souvint de Sarah Berelovitz, de leur rencontre si fugitive dans la rue d’Assas et il pensa avec amertume qu’il ne savait pas saisir ce que le hasard lui offrait. Il ne la rencontrerait plus, le hasard ne joue qu’une fois. Elle allait de ville en ville. « Un couple de musiciens », avait dit Nathalia Berelovitz. Serge les imaginait, Charles Weber, le visage collé au violon, elle Sarah, le corps ondoyant au-dessus du piano. Il suffisait d’une jeune femme fière, de cette Inge Klein pour que de la mémoire surgisse Sarah Berelovitz et que Serge en souffrît.
    — Cordelier, Monsieur Cordelier, répétait Baylet, vous rêvez ? Votre enquête, vous aviez arrêté un suspect, et si j’en crois les rumeurs, vous l’avez relâché.
    Tous, autour de la table, regardaient Serge Cordelier qui se contentait d’une mimique.
    — Une femme, m’a-t-on dit, reprenait René Baylet. Jolie ?
    — Jolie, Monsieur le Haut-commissaire, très jolie, répondit Serge Cordelier.
    — Voilà au moins une bonne raison, dit René Baylet. Mais les militaires ne sont pas très satisfaits.
    — Jaloux, lança quelqu’un.
    Il y eut un rire général et Baylet se mit à raconter des histoires de femmes, oubliant Cordelier qui dès la fin du repas, alors que les autres continuaient de parler, se leva discrètement, retrouva sa chambre, sa mémoire. Elle semblait avoir tenu si peu de place en lui, cette Sarah Berelovitz, son nom aperçu parfois sur une affiche, un concert qu’elle donnait, et Serge s’arrêtait. Il était avec une femme, Florence ou Rosalie, il

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