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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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L’imprésario, Charles, un diplomate du Quai : ils insistèrent tous et à la fin elle céda.
    Déjà sur le quai, à Paris, Sarah fut mal à l’aise. Trop de voix polonaises, l’ironie de Charles : « Nous remontons aux sources », disait-il.
    Il faisait beau quand ils franchirent la frontière à Dziedzice. Le train s’arrêta dans la petite gare pavoisée. Il y eut des ovations, des discours. Charles penché à la portière se tournait vers Sarah : « Vous ne voulez pas voir votre pays ? disait-il. Je ne comprends rien, venez. »
    Il l’obligeait à s’approcher, à lire les banderoles de bienvenue, à entendre cette langue, à reconnaître ce pays de la perte, contrée de la mort où la vie de Samuel Berelovitz s’était dissoute et où avait fini, en un instant, l’enfance heureuse.
    À Varsovie, il voulut visiter la maison de la rue Mila. Elle cédait encore, retrouvant les odeurs, l’escalier, le couloir où elle courait vers son père, la pénombre du deuil quand, durant sept jours, toutes les issues de la maison furent fermées.
    De quel droit Charles pénétrait-il ainsi dans son enfance ?
    Après le concert, le soir de la grande journée de manifestations en hommage à Foch, ils avaient rencontré le docteur David Wiesel. Sarah avait vu venir vers elle cet homme au sourire las, aux yeux teintés de tristesse. Il la détaillait avec affection.
    — Vous ne pouvez pas me reconnaître, disait-il en riant.
    Il se tournait vers Charles.
    — Vous êtes son mari ?
    Elle en voulait à Charles de son assurance, « oui, bien sûr, oui », répondait-il.
    — Je l’ai vue – David Wiesel écartait ses mains ouvertes, prenait à témoins la dizaine de personnes qui avaient envahi la loge du théâtre – je l’ai vue grande comme ça. Mais le croirez-vous ? Elle avait déjà de très longs doigts. Je me suis dit « musicienne, une petite artiste ».
    Ils rirent tous. Sarah s’était assise, le dos appuyé à la coiffeuse, gênée.
    Peu à peu cependant, la loge se vidait, David Wiesel restant seul avec eux, répondant aux questions de Charles qui l’interrogeait sur l’enfance de Sarah, la famille Berelovitz – de quel droit, de quel droit, murmurait Sarah, serrant ses doigts. Wiesel s’animait, évoquait la situation des juifs dans la nouvelle Pologne. Il repoussait ses cheveux noirs bouclés d’un geste rapide de la main. « Vous avez vu, ce matin, place de Saxe, disait-il, ces hussards, ces magnifiques officiers, de jolies figurines, très civilisées, n’est-ce pas ? » Il enlevait ses lunettes, souriant, se tournait vers Sarah : « Plus antisémites que les cosaques, la bêtise russe sans la générosité slave ; la vanité prussienne sans la force. » Charles allumait une cigarette, regardait Wiesel et Sarah avec condescendance. « Docteur, disait-il, est-ce qu’il n’y a pas aussi une vanité juive, depuis que je connais Sarah…» Sarah se levait, prenait sa cape, passait son bras sous celui de Wiesel. « Raccompagnez-moi, voulez-vous, David – elle avait un petit mouvement de tête vers Charles – bonsoir Web, à demain. »
    La place de Saxe était déserte, Sarah et David Wiesel la traversèrent, faisant résonner leurs pas sous les colonnades, décorées comme les façades des guirlandes et des oriflammes, placés là en l’honneur de Foch. Les soldats montaient la garde au pied de la statue du maréchal Poniatowski que Foch avait inaugurée le matin même. Spontanément Sarah se mit à parler en yiddish, demandant à Wiesel de la conduire rue Mila, de lui parler de la vie à Varsovie. Elle était avec lui comme avec un frère aîné. Il racontait l’institution pour enfants qu’il avait créée, l’antisémitisme des autorités, les petites brimades, les bandes d’étudiants nationalistes qui saccageaient les boutiques du ghetto. « Avec votre oncle Elie, disait-il, peu de temps avant sa mort, nous nous demandions si nous ne devions pas partir pour la Palestine, et puis, les nôtres sont ici, et je dois être avec eux, je suis médecin et qu’est-ce qu’un médecin qui pense à lui ? Un parjure. »
    Ils marchaient lentement, traversant les jardins ; ils se taisaient pour écouter le léger frémissement des feuilles nouvelles que soulevait la brise venue de la Vistule.
    — Je dois vous dire… commença Sarah.
    David Wiesel lui serra la main, croisant ses doigts avec les siens. Elle s’interrompit.
    — Ce qui est important, Sarah, dit

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