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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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trouver écho parmi les badauds clairsemés. Collets noirs et collets verts s’agitaient pour rien sur les degrés du théâtre et sous le péristyle. La salle baignait dans une pénombre d’un rouge vineux où les lumignons éveillaient à peine, çà et là, l’éclat des dorures. Une fois les yeux faits à l’obscurité, on distinguait quarante à cinquante individus, électeurs, simples curieux, journalistes, assis au parterre ou debout dans les allées. Sur la scène éclairée par quelques quinquets, Lebois, juge au tribunal criminel et président de la section, déblatérait crescendo. En son genre, il ne semblait pas moins enragé que naguère les Varlet, les Leclerc d’Oze dans le genre sans-culotte, – ce qui pouvait faire croire, à tout prendre, comme le prétendait Marat, que les Enragés étaient tout simplement des agents royalistes cherchant à ruiner la Révolution en la poussant aux excès. Lebois finit par conclure qu’il fallait mettre la Convention hors la loi. Proposition absurde. Comment une assemblée pas même représentative de la moitié des sections parisiennes mettrait-elle hors la loi la représentation nationale ? Richer-Serizy, Lezay-Marnésia succédèrent à cet énergumène. Ils présentèrent des motions à peine moins insensées.
    Au bout d’une heure, Claude partit et se dirigea vers les Tuileries. En ce moment, Bordas devait, selon son usage, dîner À l’Unité, le premier des restaurants ouverts dans le vestibule du DixAoût, au pavillon de l’Horloge.
    Il était effectivement attablé dans l’étroite petite salle, vitrée sur le vestibule. Mis au courant de la saisie opérée par Héron, il estima judicieux, lui aussi, de publier la lettre. « J’y parviendrai d’une façon ou d’une autre, affirma-t-il. Si les royalistes et les monarchiens du Comité s’y opposent, ils ne pourront pas m’empêcher d’en faire rapport en mon propre nom. Je descendrai à la barre, si besoin est. De la sorte, le message d’Antraigues sera inséré par le Moniteur dans son compte rendu. »
    Bordas dit que la Convention avait rendu un décret déclarant illégale la réunion des électeurs du département au Théâtre-Français et leur enjoignant de se séparer. Au reste, l’Assemblée demeurait très calme. On s’occupait d’organiser l’instruction publique, de créer un institut des sciences et des arts. À la reprise, on allait célébrer, dans la salle même, une fête à la mémoire des Girondins. Claude haussa les épaules. « Toujours l’hypocrisie ! Si je siégeais encore, je n’assisterais pas à cette séance. En reniant ce qu’elle a fait d’atroce, la Convention renie ce qu’elle a fait de grand. J’ai tout tenté, tu le sais, pour sauver les Brissotins, cependant ils ont mérité leur sort, pour avoir failli perdre la France. Sans notre impitoyable rigueur, que serait devenue la patrie ? À présent, on glorifie ces égarés qui ont désiré la guerre étrangère et n’ont pas su la soutenir, qui ont précipité la nation dans la guerre civile. Et l’on proscrit, on frappe d’interdiction ceux qui réparèrent ces fautes. Mais pourquoi s’indigner ? J’ai trop cru, autrefois, à la justice ; je sais désormais qu’elle n’existe pas.
    — Nous luttons pour qu’elle existe.
    — Oui, mon ami. Dans la mesure du possible, dirons-nous, et cette mesure ne sera jamais grande. Je n’ai plus d’illusions. »
    Leur repas terminé, Claude gagna le Palais-Royal par la rue de l’Échelle où des jeunes gens à « pouvoir exécutif » conspuaient la Convention. Avec ce temps humide et frisquet, le jardin n’était guère peuplé. Au long des galeries, régnait l’animation ordinaire, sans plus. Louvet allait retourner aux Tuileries. Voyant Claude, il l’entraîna vivement dans l’arrière-boutique. « Je suis fort embarrassé, dit-il, l’imprimeur nous lâche et aucun autre ne veut se charger de La Sentinelle. Ils ont peur pour leurs presses depuis que les royalistes sont venus tout casser ici. Sans doute trouverait-on dans les faubourgs un homme plus courageux, mais il faudrait du temps, et le temps nous manque. De plus, on n’est pas chaud dans les faubourgs pour la cause que soutient notre feuille. Bref, il nous faut ou bien souffrir une interruption des plus malencontreuses en ce moment, ou bien recourir à un moyen qui ne te plaira pas.
    — Oui, oui, je t’entends. Tu penses à l’imprimerie de la Convention, hein ?
    — En

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