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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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douter maintenant. Elle réarmait les sans-culottes, elle voulait les lancer sur les honnêtes gens. Les propriétés, les personnes n’étaient plus en sûreté. Il fallait se défendre.
    Lorsque Claude arriva, la générale battait dans les quartiers de l’ouest et du centre. La section Le Pelletier, où se démenaient le baron de Batz, l’abbé Brottier, Lemaître, venait de se déclarer en insurrection. Elle incitait toutes les autres à s’armer contre les buveurs de sang.
    Dans les heures suivantes, les sections de la Butte-des-Moulins, du Contrat-Social, du Théâtre-Français, du Luxembourg, de la rue Poissonnière, de Brutus, du Temple l’imitèrent, enjoignant à leurs gardes nationaux de former leurs bataillons pour veiller à la sécurité menacée par les terroristes. Tout autour des Tuileries, sur le Carrousel, sur la place du Palais-Royal, dans la rue Honoré, la rue de la Loi, les boutiques se fermaient ; on voyait les braves bourgeois, hâtivement revêtus de l’habit bleu à revers blancs, enfiler leurs buffleteries en se hâtant vers le poste de la rue Vivienne ou celui du bataillon des Tuileries, rue Thomas-du-Louvre.
    En revanche, des hommes sans uniforme se rassemblaient aux Quinze-Vingts. Anciens soldats pour la plupart, ils venaient des faubourgs défendre ce que représentait malgré tout la Convention. Claude fut se rendre compte. Il constata que, seule parmi les sections autrefois patriotes, celle des Quinze-Vingts restait fidèle à son passé. Elle distribuait aux volontaires ses fusils de réserve et des cartouches, malheureusement en petit nombre. À onze heures du matin, elle avait armé deux cent cinquante nouveaux combattants. Ils rejoignirent sur le Petit-Carrousel et dans le cul-de-sac Dauphin les bataillons de Berruyer. À la Cité, aux Gravilliers, aux Droits-de-l’Homme, on ne bougeait point. « Nous ne nous battrons pas, disait-on, pour des coquins qui ont versé notre sang, qui nous ont ôté nos droits et qui s’engraissent à nous affamer. » D’aucuns ajoutaient même : « Qu’on rétablisse la monarchie si l’on veut ; nous n’étions pas si malheureux au temps des rois. »
    Cependant, la Convention ne s’émouvait pas beaucoup. Elle se contentait de rédiger une proclamation aux Parisiens pour affirmer sa volonté de faire respecter la loi, purement et simplement, et pour garantir le civisme des citoyens auxquels on rendait leurs armes. Claude, dînant de nouveau À l’Unité avec Bordas et, cette fois, Gay-Vernon, trouva celui-ci pessimiste. La disproportion des forces l’inquiétait.
    « En rapportant la loi du 12 Germinal, dit-il, on a donné aux royalistes le concours que les masses bourgeoises leur refusaient hier encore. Nous avons à présent la moitié de Paris contre nous.
    — Il fallait bien percer l’abcès, répondit Claude.
    — Oui, mais j’eusse préféré attendre que les renforts demandés au camp de Saint-Omer fussent là.
    — Ils auront le loisir d’arriver. Le temps n’est pas à la bataille. »
    Le ciel avait ouvert sur Paris ses écluses. La pluie tombait en violentes averses, fouettantes et froides. Il faisait certes un temps à ne pas mettre un garde national dehors ; mais cela n’empêchait pas de motionner. Vers deux heures après midi, Héron avisa la Commission des cinq, siégeant en permanence avec les deux Comités au pavillon de Flore, que les agents royalistes dominaient entièrement la section Le Pelletier. On y établissait un plan général d’insurrection et l’on se concertait avec les délégués d’autres assemblées sectionnaires pour déclarer la Convention hors la loi. Peu après, le citoyen Valentin, adjudant général de l’armée de l’Ouest, suspendu de ses fonctions par l’éternel Aubry, avertissait Barras que la Convention serait sûrement attaquée demain.
    Sans plus attendre, les Comités résolurent de frapper la rébellion dans son centre moteur. Barras et Letourneur firent porter au général Menou, qui se tenait tranquillement rue Neuve-des-Capucines à l’hôtel de la division militaire, l’ordre d’appeler le reste des troupes encore campées à Marly et aux Sablons, de cerner avec toutes ses forces la section Le Pelletier, de fermer son local et de la désarmer.
    Au lieu d’obéir sur-le-champ, Menou vint au pavillon déblatérer contre les patriotes. « Je suis informé, dit-il, qu’on arme tous les brigands de Paris. Je n’en veux pas dans mon armée, je vous le

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