Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
méditée l’avait conduit, il ne restait à Menou qu’à parlementer. Delalot voulut bien dire que l’assemblée lèverait sa séance. Assez ironiquement, il ajouta que l’on n’entreprendrait rien contre l’armée si elle évacuait le territoire de la section. Il fallut aux représentants se contenter de ce mince résultat.
    Avec Rœderer, Méhée, Réal, rencontrés dans la foule curieuse qui envahissait le quartier, Claude, en se glissant de la rue de la Loi à la brève rue Colbert par le second porche de la Bibliothèque nationale, avait réussi à s’approcher du couvent. Ils surent très vite ce qui s’y passait, et, comme bien d’autres témoins, se hâtèrent d’en porter les nouvelles auxTuileries. Pour sa part, Claude se rendit au pavillon de l’Égalité. L’antisalle était pleine. Par le couloir qu’il connaissait bien, il entra d’autorité dans le salon blanc et or où discutaient les quarante membres des deux Comités réunis. Il apostropha Cambacérès. « Président, je viens vous informer tous que la Convention est, cette fois, réellement en péril. » Il les mit au courant et conclut : « Il n’est plus temps de délibérer ; il faut agir, et agir avec l’énergie que nous avons déployée, nous, en pareil cas. »
    Dans le même temps, la Convention, également avisée, poussait des clameurs. « Nous sommes trahis ! À la barre, le général Menou ! » Laporte et ses deux collègues fulminaient contre lui pour se justifier eux-mêmes. On réclamait les Comités, on exigeait qu’ils vinssent fournir des explications.
    Ils avaient déjà destitué Menou et ordonné son arrestation. Il s’agissait de le remplacer. Par qui ? Barras, répondirent de nombreuses voix. N’était-ce pas le général de Thermidor, le vainqueur de la Commune robespierriste ! On ne voulait plus d’un étranger à la Convention pour commander l’armée de l’intérieur, mais Barras ne convenait pas trop à la droite. On disputa. Le temps passait.
    Aux Filles-Saint-Thomas, on haranguait aussi, non sans efficacité néanmoins. Au lieu de lever la séance, l’assemblée s’était déclarée « représentant le peuple souverain dans l’exercice de ses fonctions ». Avec les délégués des autres sections accourus au bruit de la victoire, on constituait un « Comité central et militaire » sous la présidence de Richer-Serizy. Là aussi, on cherchait un général, pour le placer à la tête de l’armée sectionnaire.
    Le petit Buonaparte se demandait s’il ne s’offrirait pas. À huit heures, il était, avec un billet de faveur dû à Talma, dans une loge au théâtre Feydeau où l’on jouait un mélo du sieur Hennequin, Le bon fils, lorsque Junot et Marmont l’avaient prévenu de ce qui advenait à quelques pas de là. Il s’y rendit, assista en spectateur ironique à la déconfiture de Menou, puis, en curieux assez intéressé, à la formation du Comité central. Pourquoi ne pas mettre au service de ces gens-là ses talents si mal récompensés par la république ?
    Il hésita, un long moment. Bah ! les bourgeois ne résisteraient point à de vrais soldats bien commandés. Malgré le nombre, la chance ne semblait pas pour les rebelles. Et puis il détestait trop ces nouveaux mirliflores : les muscadins devenus incroyables. Il alla voir, dans les tribunes de la Convention, comment elle réagissait.
    Dans la longue salle éclairée par les quinquets, les lustres, les lampadaires sur le bureau et la tribune, on parlait d’un certain Buona-Parte qui s’était rendu fort utile, à Toulon, et que l’on ferait bien d’adjoindre en sous-ordre à Barras nommé enfin au commandement des forces conventionnelles. Fréron, Turreau – le mari de l’aimable blonde peu farouche –, les députés corses, Barras lui-même, pas si sûr de soi malgré toute sa suffisance, recommandaient ce général. On l’accepta sans y prêter plus d’attention.
    Perdu dans la foule, il écoutait et ne bougeait pas. Tandis que Barras l’envoyait chercher partout, il demeura là près d’une demi-heure, délibérant avec lui-même ce qu’il avait à faire. Les royalistes ne lui plaisaient, mais il ne lui plaisait guère non plus de se compromettre à défendre les perpétuels si décriés. Pourtant !…
    Avec une grande et rapide clarté d’esprit, il se représentait la situation : Paris était entièrement dégoûté du gouvernement ; en revanche, la totalité des armées, estimait-il, et,

Weitere Kostenlose Bücher