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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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main pour lancer une attaque massive. Aux premiers coups de feu lâchés à l’aventure, trente soldats, dissimulés depuis le matin par Barras dans une maison en construction attenante à la rue du Bac, avaient riposté en jetant bas chacun son homme.
    Buonaparte, qui arrivait du Carrousel, saisit aussitôt la situation. Mettant à profit le flottement causé chez l’ennemi par cette réplique inattendue et sévère, le petit général fit avancer Verdière jusqu’au bout du pont, avec quatre pièces. Deux prirent immédiatement à partie les gardes nationaux débouchant par la rue du Bac et les foudroyèrent sur place. Les deux autres criblèrent de fonte et de plomb ceux qui se présentaient par le quai Voltaire. Dans le même temps, Marmont portait à Carteaux l’ordre de se dégager – une volée à mitraille y suffît – et de ranger ses canons sur le port Saint-Nicolas pour arroser par-dessus la Seine la colonne ennemie.
    À peine eut-il ouvert le feu, le gros et l’arrière-garde disparurent du quai Malaquais. En un clin d’œil, les bons bourgeois dont se composaient les troupes de Lafond-Soulé et de Duhoux, voyant tomber autour d’eux les boulets, enfilèrent prestissimo les rues des Saints-Pères, de Beaune, de Seine, en jetant leurs fusils pour courir plus vite. Au contraire, l’avant-garde, formée de chouans, de vendéens, d’émigrés, tenait ferme. Avec un courage intrépide, Lafond-Soulé et Lebois ramenèrent trois fois ces hommes à l’assaut des canons. Mais, mitraillés de front par Verdière, pris en écharpe par les boulets de Carteaux, ils se faisaient hacher pour rien. Il leur fallut enfin s’égailler à leur tour. Ils laissaient une jonchée des leurs sur le quai où le sang délayait la boue.
    L’insurrection était écrasée. Buonaparte, avec Junot et Marmont, retourna au centre, et Barras à la Convention. Claude, revenu dans les tribunes publiques, l’entendit annoncer : « J’ai opposé la force à la force ; il a bien fallu combattre ceux qui s’avançaient obstinément pour s’établir sur vos banquettes. » Cette remarque, à l’adresse de Daunou, Thibaudeau, Cambacérès et autres modérés. « Maintenant, continua-t-il, il ne s’agit plus que de dissoudre le reste de la rébellion. Les assaillants de Saint-Roch se sont retranchés les uns dans l’église, les autres sur la place Vendôme. Ceux de la rue de l’Échelle et de la rue Saint-Nicaise se sont repliés sous les galeries du théâtre de la République et du Palais-Royal. Voici les dispositions qui vont terminer la journée : les généraux Duvigneau et Montchoisy, qui ne sont plus nécessaires sur la place de la Révolution, se sont mis en marche avec deux pièces de canon par la grande rue Royale ; ils tournent la place Vendôme par le boulevard de la Madeleine. En même temps, Berruyer débouche des passages des Feuillants sur la place Vendôme. Brune, sorti du défilé de la rue Saint-Nicaise, pousse devant lui des obusiers qui achèvent de balayer la rue de la Loi. Carteaux, qui n’a plus rien à faire du côté du Louvre, passe sur la place du Palais-Royal pour dégager la rue Saint-Honoré jusqu’à l’Oratoire. Le succès n’étant plus contesté, on ne tire plus qu’à poudre. »
    Une demi-heure plus tard, au moment où la nuit se fermait, les troupes conventionnelles avaient fini de nettoyer la place Vendôme, Saint-Roch, la rue Saint-Honoré, le théâtre de la République. Buonaparte faisait bloquer étroitement les rebelles réfugiés dans le Palais-Royal. Il ne restait d’ailleurs qu’un petit nombre d’insurgés en armes. Les marchands profitaient de l’ombre bruineuse pour retourner furtivement à leurs boutiques ; les paole d’honneu pour aller dans les salons monarchiens ou les loges des théâtres montrer leur joue droite noircie et narrer leurs exploits. Quelques opiniâtres, retirés dans la rue de la Loi, vers les Filles-Saint-Thomas, cherchaient à dresser des barricades. Brune leur lâchait de temps à autre une décharge d’obusier.
    Dans cette rue étroite, où les maisons et le long bâtiment de la Bibliothèque ci-devant royale se renvoyaient les échos, les pièces de 8 produisaient un bruit fracassant. Les détonations faisaient vibrer les vitres, secouaient planchers et murs. À l’Hôtel de la Tranquillité – le bien mal nommé cette nuit-là –, elles affectaient dramatiquement les Permon, ces amis de Buonaparte. Alité depuis le 11, M. Permon

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