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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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soit l’hôte choyé du conventionnel Durand-Maillane ? Est-il vrai que le représentant Boissy d’Anglas ait fait ouvrir les barrières, le 14, pour permettre aux chouans et aux vendéens de s’enfuir sans encombre ?…
    « La Convention, si prompte en prairial à frapper Romme, Soubrany, Duroy, Bourbotte, Duquesnoy, ces héros du devoir et de la fraternité, la Convention impitoyable envers les citoyens Duval, Delorme, Chabrier, qui préférèrent ne pas vaincre plutôt que de verser le sang des riches, la Convention réserve toute sa mansuétude à des hommes dont les seuls ressorts sont l’ambition personnelle, l’avidité du pouvoir, le désir de rétablir l’Ancien Régime, ou du moins d’établir une oligarchie de la fortune. Cette Assemblée qui fut grande et qui est maintenant, selon le cri trop vrai de Louvet, “tombée au plus bas”, à peine a-t-elle triomphé grâce aux patriotes de 89 déjà elle se hâte de dissoudre leurs bataillons. Déjà elle craint d’avoir, en leur permettant de donner leur vie pour elle, ressuscité le « terrorisme ». La Convention, ou plus exactement son fantôme, semble redouter davantage le peuple que le royalisme, et l’on paraît prendre à tâche aujourd’hui de rendre au royalisme à peine vaincu tous ses espoirs et toutes ses forces. Urget me atrata prœsensio…»
    De son côté, Réal écrivait : « Il faut le dire, la Convention n’a pas su profiter de la victoire. Des politiques qui font pitié ont reculé devant les salutaires et tranchantes mesures qui brisaient l’ouvrage de la conspiration… La trame subsiste ; les conspirateurs ont été vaincus et la conspiration existe tout entière. Ô Convention, un instant tu as pu faire disparaître entièrement le levain funeste de la guerre civile ; des hommes, ou cruellement dupes de leur bonhomie, ou bouffis d’orgueil, ou scélérats de bêtise, ont paralysé tes moyens, ont arrêté ton bras…»
    L’article de Claude ne parut point. L’ayant lu en épreuve, Louvet – reculant aussi vite qu’il s’était avancé quand il parlait de rouvrir les Jacobins – l’estima inopportun.
    « Tu vas trop loin, dit-il. Il ne convient pas d’attiser la flambée sans-culotte provoquée par la répression du monarchisme. Tu le sais bien, la république se trouve, depuis sa fondation même, entre deux espèces d’ennemis : les royalistes, les ultra-révolutionnaires. Chaque fois que l’on refrène les uns, les autres se relèvent d’autant.
    — Quoi ! tu ne veux pas comparer l’excitation présente de quelques démocrates et la conspiration royaliste !
    — Quelques démocrates ! Dis plutôt des maratistes : cette lie trop connue. On la voit remonter une fois de plus. Comment juges-tu ce qui s’est passé le 15 ? »
    Un tumulte avait éclaté sous les galeries du Palais-Royal à la suite d’une altercation entre le général Chinet et un changeur auquel il reprochait sa malhonnêteté. Les incroyables, nullement calmés par la correction reçue le 13, avaient conspué le général, l’appelant : « Mouchard de la Convention », tandis que le populaire prenait parti pour lui. D’où bousculade, échange de horions, intervention de la police, rafle de muscadins à l’aide des patriotes. Parmi les jeunes gens incarcérés à la prison des Quatre-Nations, figuraient deux intimes de M me  de Staël : François de Pange, émigré radié, et un certain Benjamin Constant, Genevois, acheteur de biens nationaux. Marie-Joseph Chénier, familier du salon Staël, s’était empressé, avec l’aide de Louvet, de faire relâcher, le soir même, ces deux « citoyens pleins de probité, de lumières et de civisme ». Benjamin Constant avait écrit – assez mal, du reste – pour remercier Jean-Baptiste et le mettre en garde contre « les passions avides de se déchaîner dans le désordre qui règne toujours après la victoire. Que ceux qui ont, et qui sont dignes d’avoir, la puissance en main se hâtent de comprimer les monstres qui se croient déjà libres de faire éclater leur rage », poursuivait-il, désignant par là les patriotes. « Aujourd’hui que l’ennemi commun de la République est sans force, il faut comprimer l’ennemi commun de l’humanité. Qu’on saisisse cette occasion d’imprimer une crainte salutaire à ces hommes avides de sang. »
    « Bon, répondit Claude à Louvet, il se produit une certaine effervescence dans le peuple. Il a faim, et il garde un

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