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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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semblable !
    Aux Filles-Saint-Thomas, Danican, lui, ne tergiversait pas. Il considérait comme terminée la phase des stratagèmes, des habiletés, de la prétendue fraternisation, contrairement à Richer-Sérizy qui conseillait de poursuivre une tactique si fructueuse. Sur la place de la République (ou Dauphine), rendue libre par la retraite de Carteaux, Lafond-Soulé, menant les bataillons du Théâtre-Français et du Luxembourg, venait de se réunir avec une colonne de Le Pelletier. Pour Danican, c’était désormais le temps de la force. Un parlementaire fut envoyé pour sommer la Convention. Buonaparte et Brune, sur le Carrousel, le reçurent, lui firent bander les yeux, selon les usages de la guerre, et conduire à la Commission des cinq, siégeant avec les deux Comités dans l’ex-chambre de Marie-Antoinette. Les quarante écoutèrent l’officier ennemi leur signifier que le comité insurrectionnel les avait mis hors la loi, qu’il leur enjoignait de dissoudre immédiatement les bataillons de terroristes, de rapporter les décrets des 5 et 13 Fructidor ; faute de quoi le Palais national allait être pris d’assaut. Les « représentants infidèles » seraient arrêtés et traduits devant un tribunal déjà formé par les sections pour juger tous ceux qui auraient porté atteinte à la « souveraineté du peuple ».
    Sieyès, Fréron, Louvet réagirent violemment à ces insolences. Fréron entendait, pour toute réponse, expédier le parlementaire à la guillotine, ou mieux le fusiller « dans la rue Nicaise, à la vue de ses envoyeurs ». Pour leur part, les modérés proches des monarchiens espéraient encore arranger les choses. On argumenta. Boissy d’Anglas et ses amis auraient avec le plus vif plaisir dissous les bataillons de 89. Sieyès déclara que la Convention n’avait pas, non seulement à discuter l’ultimatum impudent des rebelles, mais même à l’entendre. Néanmoins, plusieurs commissaires, obsédés par le souvenir du 2 Prairial, proposaient de choisir vingt-quatre députés « pour aller parler aux citoyens égarés.
    — La Convention est tombée au plus bas ! » s’écria le petit Louvet.
    Il sortit, outré, gagna la salle des séances. On y portait en ce moment sept cents fusils et autant de gibernes afin d’armer les représentants. Le soir du 9Thermidor, la distribution de pistolets par Lecointre avait produit sur l’Assemblée un effet qui rata totalement cette fois-ci. On se souciait bien d’armes ! Les orateurs se disputaient la tribune. Gamon l’obtint. Il osa présenter la motion de « désarmer à l’instant tous les patriotes de 89 réunis sous les murs du Palais national, et dont la conduite, dans le cours de la Révolution, aurait été répréhensible.
    — Traître imbécile ! rugissait Bailleul, tu veux priver la Convention de ses défenseurs ! »
    Legendre proclamait avec emphase : « Recevons la mort comme il convient aux fondateurs de la république ! »
    Haussant les épaules, le puissant mousquetaire Dubois-Crancé prit un fusil, une giberne et, se dirigeant vers Claude, lui dit par-dessus la barrière de bois : « Tu connais, je pense, ce général Buona-Parté qui vous a servis, au Comité de l’an II. Veux-tu me conduire à lui ? Il faut en finir avec ces sottises.
    — Passe par le couloir des pétitionnaires, tu me retrouveras sous les arcades, répondit Claude, et, quand ils se furent rejoints, il questionna : Que veux-tu faire ?
    — Forcer la main à tous ces capons. Si l’on n’agit pas, dans quelques heures la Convention sera resserrée entre ses murs et notre armée désagrégée entièrement. C’est ce que souhaitent, avec le clan Aubry, Boissy, Lanjuinais, Lesage, peut-être aussi Daunou et Cambacérès. Quant à Barras, il manque d’énergie. On va le mettre dans le cas d’en montrer. »
    Dubois-Crancé, ancien militaire, adjudant général en 92, avait été adversaire déterminé de Robespierre, de Couthon surtout, et l’un des principaux Thermidoriens ; mais, avec Tallien, Fréron, Legendre, il repoussait le monarchisme.
    Claude le mena, en traversant la ci-devant cour des Suisses, à Buonaparte qui faisait les cent pas devant les grilles dorées, mains derrière le dos, maigre et nerveux comme un chat de gouttière. « Général, lui demanda Dubois-Crancé lorsque Claude les eut nommés l’un à l’autre, es-tu sûr de tes troupes ? Marcheront-elles ? » Napoléon le dévisagea d’un bref

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