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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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doute sur la trahison passive de Pichegru. Il avait évacué Mannheim, permettant à Clerfayt de débloquer Mayence. La ligne du Rhin percée ainsi, les deux armées françaises séparées, les Autrichiens pouvaient espérer envahir de nouveau l’Alsace. Les papiers saisis chez Lemaître décelaient aux patriotes, outre cette trame et les liaisons des royalistes parisiens avec l’Ouest, leur collusion avec les députés monarchiens. En plus de Rovère, de Saladin, Lehardy, Henry-Larivière, Aubry, Lesage, Gamon, les journaux républicains dénonçaient comme complices de Batz ou de l’agence parisienne Boissy d’Anglas, Lanjuinais, Cambacérès, et donnaient pour acquis au bourbonisme la plupart des Soixante-Treize et des Vingt-Deux.
    Non, le temps de la colère n’était point passé. Une violente indignation s’élevait dans Paris contre toute la droite de l’Assemblée, elle-même furibonde. On devait craindre que les derniers jours de la Convention ne fussent bouleversés par une nouvelle tempête.

XIII
    « Quel être singulier, ce Buonaparte ! dit Bernard à Claude. Jette un coup d’œil là-dessus. »
    Il lui tendait un rapport sur les événements du 13 et du 14 , adressé à la Commission militaire et transmis depuis par le jeune Fain pour classement. En son temps, Carnot voulait créer un Dépôt où l’on conserverait les archives de la Guerre. Carnot éliminé, le bureau topographique continuait d’assumer ce soin.
    Selon le bref compte rendu rédigé par Napoléon lui-même, le « général Barras » avait pris toutes les mesures, appelé des Sablons l’artillerie, placé les pièces, fait marcher les troupes, donné tous les ordres. C’est Brune qui, au cul-de-sac Dauphin, avait tiré le canon et eu son cheval tué sous lui. Le rapport mentionnait la plupart des autres participants : Berruyer, Carteaux, Duvigneau – estropié en Duvigier –, Vachot, Montchoisy. Du commandant en second, pas un mot.
    « Poussée à un tel point, observa Bernard, la modestie devient suspecte.
    — Bah ! c’est de la politique. Ton Buonaparte eût laissé volontiers à Barras le mitraillage des frères Saint-Thomas et des émigrés.
    — Je m’en doute. Lui qui se déclarait prêt à démissionner plutôt que de combattre des Français ! Tu t’en souviens ?
    — Oui. Singulier petit bonhomme, en effet. Bien naïf s’il s’imaginait Barras disposé à endosser seul les rancunes des royalistes et des monarchiens ! Il a joliment relevé la balle. Mais, au bout du compte, Buonaparte ne peut s’en plaindre. Que dit-il ?
    — Je ne sais, je ne l’ai pas revu. »
    Le 18, Barras, présentant à la Convention ses principaux auxiliaires, s’était malignement plu à mettre en lumière les services sur lesquels Napoléon demeurait si discret. « Voici le général Bonaparte, dont les dispositions savantes et promptes ont sauvé cette enceinte. » Là-dessus, Fréron de préciser, visant Aubry : « N’oubliez pas, citoyens, que le général d’artillerie Bonaparte, nommé dans la nuit du 12, et qui n’a eu que la matinée du 13 pour prendre les dispositions dont vous avez vu les heureux effets, avait été retiré de son arme pour entrer dans l’infanterie. »
    Confirmé dans son commandement en second, promu divisionnaire, installé désormais rue Neuve-des-Capucines à l’hôtel de la 17 e  division militaire, ancienne demeure du financier Bertin, le petit Buonaparte devenu Bonaparte était tout à coup un personnage. On se demandait d’où il sortait. Les royalistes l’appelaient dédaigneusement « champignon de la République », « général des rues ». Il n’en imposait pas moins son autorité, et, avec autant de souplesse que d’énergie, il accomplissait une tâche peu facile, à la place du « général en chef » occupé de tout autre chose.
    Si ses maîtresses ne ménageaient pas à Barras les plaisirs dans sa petite maison récemment acquise rue Basse-Saint-Pierre, à Chaillot, et dont la citoyenne Beauharnais faisait les honneurs, les soucis ne lui manquaient pas non plus. Le torchon brûlait, flambait même, entre l’aile gauche thermidorienne et l’aile droite des Soixante-Treize.
    Le 19, chez le très suspect Formalguez, pourvu d’une charge d’agent de change grâce au Comité de Salut public, et qui continuait de réunir à sa table, deux fois par décade, les chefs des Thermidoriens, des Soixante-Treize et des Vingt-Deux, une dispute avait éclaté. Le

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