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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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fait venir pour cela. Tiens, voilà qui t’appartient. »
    Il lui tendait un feuillet dans lequel Claude, avec stupeur, reconnut son billet à Héron, décacheté.
    « Pardonne-moi, reprit Bordas. Comme ce message ne portait aucune suscription, il fallait bien le lire pour savoir ce que c’était. J’ai reconnu ton écriture. Il a été remis au Comité par Ignace Eck. Héron est mort depuis quatre jours.
    — Par exemple ! Mort ! Et comment ?
    — De maladie.
    — Ah ! Eh bien, voilà une maladie fort soudaine et fort expéditive, en vérité ! Je la trouve singulière. Héron s’était attiré de multiples haines. Il gênait aussi, considérablement, l’agence royaliste. Vous n’avez nul soupçon ? »
    Bordas leva les mains. « Selon Eck, parlant d’après la citoyenne Héron et le médecin, il aurait succombé à des coliques de miserere. Cela n’aurait rien d’extraordinaire. Quant à faire la différence avec un poison ! Il fallait ouvrir le corps. Personne n’y a songé.
    — C’était un policier de premier ordre. Il a rendu de grands services.
    — Sans doute, mais nous ne sommes pas des policiers, nous. Et dans huit jours ou dix la Sûreté générale n’existera plus. Alors ?…»
    Oui, évidemment. On liquidait, on avait hâte de passer le soin à d’autres. Partout s’entendait la même antienne. « Quatre années sous le feu des assassinats ont épuisé nos facultés physiques et morales », disait le montagnard Dubreuil, ami de Marat. Et Merlin de Thionville : « Il est grand temps que nous quittions la place. »
    Tandis que se poursuivaient, non sans troubles par endroits, les opérations électorales, que les journaux républicains et contre-révolutionnaires continuaient leurs virulentes polémiques, la Convention votait dans l’indifférence le plan d’instruction publique préparé par Daunou, l’organisation de l’Institut, d’une École polytechnique, d’un Musée d’art et d’archéologie cher à l’évêque Grégoire, d’un Conservatoire des Arts et Métiers, d’un Conservatoire de musique proposé par Chénier. On promulguait un code des délits et des peines. On divisait la Belgique en départements.
    Soudain, le 23, Tallien secoua l’Assemblée en réclamant un comité général, c’est-à-dire une séance à huis-clos, « pour accuser des représentants compromis dans l’insurrection du 13 », précisa-t-il. Appuyée par la Montagne, la demande fut acceptée largement. La Plaine sentait bien qu’il fallait vider cet abcès.
    Le président Génissieu, montagnard modéré, fit évacuer la salle. Alors Tallien, s’installant à la tribune, dénonça formellement Boissy d’Anglas, Lanjuinais, Henry-Larivière et Lesage. Il s’efforça de démontrer leur collusion avec les agents royalistes et les rebelles. Seulement ses preuves, fondées sur l’attitude des quatre députés pendant la révolte, sur leurs relations avec les orateurs sectionnaires, sur certains passages allusifs des lettres ou notes saisies chez Lemaître, restaient toutes conjecturales. Si elles ne laissaient aucun doute sur des opinions monarchistes, qu’au reste tout le monde connaissait et que toute la droite partageait, elles n’établissaient pas la moindre participation matérielle au complot.
    Legendre les reprit, le lendemain, sans plus de résultat. Mais quand il étendit l’accusation à Rovère et à Saladin, Louvet la soutint de toute son autorité. Il rappela leurs sanguinaires fureurs sans-culottes suivies par leurs sanguinaires fureurs royalistes, et déclara que, sur l’extrême Montagne comme à l’extrême droite, ces hommes aux instincts féroces déshonoraient la représentation nationale. Ils furent décrétés d’arrestation et saisis aussitôt. On leur adjoignit ensuite le trop fameux Aubry, ainsi que deux comparses : Lhomond et Gau, nommément désignés dans les papiers de Lemaître.
    La Montagne marquait un point, mais elle était, avec toute l’aile gauche thermidorienne, atterrée par les résultats des élections. Chaque jour, la victoire de la contre-révolution s’affirmait dans les assemblées départementales. Malgré les décrets des 5 et 13 Fructidor, qui auraient dû maintenir dans le Corps législatif les deux tiers des conventionnels, trois cent soixante dix-neuf d’entre eux seulement furent réélus. On avait prévu, certes, que les réélus nommeraient eux-mêmes un certain nombre de leurs anciens collègues pour

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