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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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bouillant Legendre s’était emporté contre Boissy d’Anglas, Lanjuinais, Larivière, Lesage, auxquels il faisait grief de leur attitude pendant la rébellion et des éloges dont les couvraient journellement les gazettes royalistes. Lanjuinais ayant, dans la discussion lâché ce mot : « le massacre du 13 », Tallien, outré avait traité les Soixante-Treize de conspirateurs alliés aux sections, et Formalguez d’espion royaliste.
    « Ce qui est absolument exact », dit Claude lorsque Legendre lui rapporta la scène, ajoutant : « Thibaudeau a voulu arranger les choses, Barras s’y serait prêté, mais Tallien et moi n’entendons plus nous acoquiner avec des traîtres. Nous sommes partis en claquant les portes. »
    L’ex-boucher, trapu, sanguin, fumait encore de colère à ce souvenir, bien que deux jours se fussent écoulés depuis la querelle. « Nous leur mettrons l’épée dans les reins, poursuivit-il. Arranger les choses ! Ce jean-foutre de Thibaudeau !… Quant à Barras, je m’en défie. Il est franc comme un mulet, le vicomte. Dis-moi, toi qui fouines un peu partout…
    — Ah ça ! coupa Claude choqué, je ne fouine nullement. Je cherche la vérité pour l’écrire.
    — Bon, bon, tu te renseignes. Eh bien, ne pourrais-tu te renseigner sur ce que Barras mijote avec Fouché ? Je voudrais bien savoir également si ton ami Louvet nous soutiendrait, Tallien et moi, au cas où nous attaquerions la clique monarchienne, ou plutôt s’il nous soutiendra quand nous l’attaquerons, car nous sommes résolus à le faire dans la Convention, et sans tarder. »
    Claude ne doutait point que Fouché, protégé par Barras, n’ait eu sa part, clandestine mais efficace, dans les événements des 13 et 14-On lui attribuait la paternité du discours lu par Barras à la tribune, le 15, pour rendre compte de ces événements et justifier la riposte de la Convention aux provocations sectionnaires. Assurément, Fouché ne s’était pas borné à la rédaction de ce texte. Fréron, encore tout marqué par ses outrances antijacobines, n’eût point obtenu le concours des sections Popincourt et Montreuil si une secrète influence ne se fût exercée sur elles. Très probablement, Fouché employait son crédit parmi les anciens membres des sociétés populaires pour contrecarrer les menées royalistes. Barras l’utilisait à cette guerre de l’ombre. La défiance de Legendre à leur égard semblait sans fondement. En tout cas, on pouvait vérifier. Claude écrivit un billet pour Héron et alla le déposer chez leur intermédiaire, un petit débitant de la rue Saint-Antoine. Puis il s’en fut rejoindre Louvet au Palais-Royal, dans l’arrière-boutique servant de bureau à La Sentinelle. Tout en s’installant pour dépouiller la correspondance, il rapporta son entretien avec Legendre.
    « Oui, je sais, dit Louvet. Tallien m’a parlé. Je ne partage pas son opinion en ce qui concerne Lanjuinais, Boissy, Lesage. Ils ne sont guère républicains, certainement, mais ce ne sont pas non plus des conspirateurs, et je trouve très maladroit, très dangereux d’accentuer encore nos divisions aux yeux des assemblées électorales. Je ne soutiendrai pas Tallien ni Legendre, qui sont passés du sans-culottisme à l’extrême droite pour revenir à la Montagne, contre d’honnêtes gens dont la route n’a jamais varié.
    — Legendre a toujours été sincère. Son chemin a pu varier en raison des circonstances, non pas son but.
    — Je veux bien te croire. Mais m’en diras-tu autant de Tallien ? »
    Il n’y avait rien à répondre. Louvet poursuivit : « En revanche, je te donne ma parole que je me démènerai comme un diable pour faire exclure du Corps législatif Rovère et Saladin, parce que ceux-là sont des royalistes fieffés et de répugnants individus. »
    En arrivant, le lendemain matin, Claude avisa sous sa porte un papier : la réponse d’Héron, toujours diligent. Pas du tout ; c’était un mot de Bordas. Très bref. « Viens me voir le plus tôt possible. » Il redescendit donc, entra, à côté, dans l’hôtel de Brionne, et, escorté d’un huissier, gagna les cabinets des commissaires à la Sûreté générale, dans le pavillon de Marsan.
    « Bonne nouvelle, mon ami, s’écria Bordas. Tous les députés que nous soutenons à Limoges sont élus, Louvet en tête.
    — Bonne nouvelle, en effet. La sait-il ?
    — Je ne le pense pas. Tu la lui annonceras. Mais je ne t’ai pas

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