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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Affaires étrangères ; La Révellière, l’instruction publique, les manufactures, les fêtes nationales. Après quoi, on passa au choix des ministres.
    Le 14 au matin, tout juste arrivé rue Saint-Nicaise, Claude eut la surprise d’ouvrir la porte à un dragon qui lui apportait une convocation du Directoire. Il s’y rendit. Déjà, ce n’était plus le désert dans l’ex-palais du comte de Provence. Les solliciteurs s’y pressaient, bousculés par des ouvriers transportant meubles, tapis, tentures empruntés au mobilier national. Les huissiers du pavillon de Flore reprenaient ici leur service ; ils montaient bonne garde. Montrant sa convocation, Claude fut introduit aussitôt dans le cabinet chauffé. Carnot, La Révellière et Letourneur s’y trouvaient seuls pour le moment.
    « Bien aise de te voir, mon cher Mounier, lui dit le bossu. Assieds-toi. Nous sommes en train de distribuer les ministères, et nous les voulons mettre tous entre les mains de républicains solides, si possible anciens conventionnels. Jusqu’à présent, nous avons nommé Merlin à la Justice, Delacroix aux Affaires extérieures. Il est question du brave Aubert-Dubayet pour la Guerre. Accepterais-tu l’Intérieur ?
    — Grand merci, mon ami. Votre offre me touche beaucoup, je vous en exprime ma reconnaissance. Mais voilà, en quatre ans, la deuxième fois que l’on m’offre ce portefeuille, et ce sera la deuxième fois que je le refuserai.
    — Pourquoi ça ? demanda Carnot de son ton bourru. Tu t’es longtemps occupé de l’Intérieur, au Comité ; tu ne te juges donc pas au-dessous de la fonction. Te croirais-tu au-dessus ?
    — Assurément non. Ne me connais-tu pas !
    — Alors, tes raisons ? s’enquit Letourneur.
    — Je vous parlerai franchement. Quand les Brissotins m’ont proposé l’Intérieur, je me suis dérobé prévoyant que les ministres, tiraillés entre la Cour et la Montagne, ne pourraient accomplir aucun travail sérieux ; le bonhomme Roland en a fait l’amère expérience. La situation demeure la même aujourd’hui. Si la Commission des onze avait adopté mes principes d’une Constitution républicaine, j’accepterais volontiers ce portefeuille ; mais je ne crois pas à la fixité ni à la puissance d’un gouvernement qui se fonde sur une minorité. Vous ne représentez qu’une classe, et vous en aurez deux contre vous ; vos capacités, vos talents s’useront à lutter tout ensemble contre les royalistes et contre les héritiers d’Hébert forts de trop d’espérances déçues dans le peuple. Vous subirez inévitablement les fluctuations que nous avons connues de thermidor an II à vendémiaire an III, moins explosives sans doute, mais suffisantes pour vous contraindre à comprimer tantôt la droite en vous appuyant sur la gauche, tantôt la gauche en favorisant la droite. Ministre, j’aurais à défaire le lendemain ce que j’aurais fait la veille.
    — Nous prends-tu pour des girouettes ! s’écria Letourneur.
    — Non point. Je vous prends pour des hommes enchaînés par les circonstances comme nous le sommes tous. Vous ne pouvez pas plus échapper à cette alternance fatale maintenant, que nous n’avons pu, nous, échapper à une surenchère non moins fatale, hier. Crois-tu que nous ayons voulu le maximum, l’armée révolutionnaire, les guillotinages ? Demande à Carnot.
    — Tes prédictions sont bien sombres, dit La Révellière. Nous verrons cela. Donc, tu refuses ?
    — Oui. Ne m’en tenez pas rigueur.
    — Loin de là, mon ami. Si tu désires quelque autre poste, aujourd’hui ou par la suite, n’hésite pas à nous le demander.
    — Je le ferais d’aussi bon cœur que vous m’y invitez, répondit Claude. Pour l’instant, permettez-moi une simple suggestion : au lieu d’Aubert-Dubayet, peu entraîné à dresser des plans de campagne, pourquoi ne pas mettre à la Guerre le général Delmay, habitué…
    — Non, coupa Carnot, toujours sec. Les plans de campagne, je m’en occuperai moi-même. J’ai d’autres vues sur ton alter ego. Pichegru va être destitué, Delmay lui succédera. Il connaît très bien ce théâtre d’opérations, et c’est là l’homme qu’il faut. N’en parle encore à personne, sauf à lui si tu veux. »
    En apprenant cette nouvelle, Bernard haussa les épaules. « Destitué ! C’est à la guillotine qu’on devrait envoyer Pichegru, avec Aubry. Je ne suis pas sanguinaire, mais vraiment !… Quand je pense aux

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