Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
Que fera-t-il si les escadres britanniques lui jettent en outre trois ou quatre corps de coalisés en Bretagne, en Vendée, à Bordeaux, dans le Midi ?
    — Décidément, dit Claude, Fouché et Bernard ont raison : il faut nous résoudre au retour de Louis XVIII.
    — Pourquoi ça ! protesta Jean. Nous ne sommes plus à l’année dernière, l’appareil d’une république est en place aujourd’hui. Si Napoléon tombe, il suffira de changer quelques mots dans la Constitution, de substituer à l’empereur un président désigné par les deux Chambres, de rendre désormais élective celle des pairs. Tout cela peut se réaliser en une seule et simple séance du corps législatif. Les voix n’y manqueront point pour émettre cette proposition. Ne comprend-il pas au moins cinquante des fondateurs de la République française !
    — Mais combien parmi eux sont-ils encore républicains ? Tu nourris bien des illusions, mon pauvre ami. »
    Le dimanche 11 juin, Claude apprit, chez Sieyès, que l’empereur quitterait Paris dans la nuit « pour prendre la tête de ses armées » ; il venait de l’annoncer aux délégations des Chambres, sans donner aucun détail, naturellement, sa destination devant rester secrète, quoiqu’elle ne fût pas difficile à imaginer. Des armées, il en existait sept, selon Bernard : six petites, dont l’ensemble n’atteignait pas quarante-cinq mille combattants, réparties sur les diverses frontières – comme l’armée des Pyrénées dans laquelle servait Antoine –, et la puissante concentration de cent vingt-cinq mille hommes entre Sambre et Meuse. L’empereur allait, bien entendu, prendre la tête de celle-ci.
    Il partit le 12 à l’aube ; on le sut dans la matinée. Après quoi, cinq jours s’écoulèrent lentement, anxieux, pleins de questions auxquelles les chances de la guerre seules fourniraient les réponses. Thérèse rapporta un mot de M me  de Staël : « S’il triomphe, c’en est fait de toute liberté en France ; s’il est battu, c’en est fait de toute indépendance. » Au fond de lui-même, Claude continuait à ne pas croire possible la résurrection du despotisme impérial, et craignait bien davantage pour l’indépendance. Bernard, rentré à Paris afin de se trouver plus à portée des nouvelles, passait régulièrement chez Davout qui le voyait avec plaisir malgré la différence de leur position dans les circonstances présentes. D’ailleurs toux deux pensaient à la France avant tout, comme en ces jours de 1793 où Bernard, divisionnaire, confiait au chef de bataillon Davout la mission d’arrêter Dumouriez, en faisant tirer sur lui, au besoin. Et Davout n’avait pas hésité à tirer sur le général en chef. Depuis cette époque, bien d’autres liens unissaient les deux compagnons d’armes, et de plus, en ce moment, leur commune inquiétude. Davout ne doutait pas de Napoléon. « Son plan est admirablement combiné ; mais, tu le sais fort bien, attaquer une armée ennemie presque en présence d’une autre, puis se rabattre sur celle-ci, cela exige la perfection dans les mouvements. La moindre erreur dans la transmission ou l’exécution des ordres, le moindre retard, un imprévisible accident peuvent être fatals. Le premier coup de canon tiré, l’empereur n’aura pas plus de vingt-quatre heures pour en finir avec Blücher et se retourner contre Wellington. »
    Ces vingt-quatre heures couraient. Le 17 dans la relevée, une lettre, dictée par Napoléon au baron Fain le 15 au soir, informa Davout que ce jour-là l’empereur, avec toute l’armée du Nord, avait forcé, sous Charleroi, le passage de la Sambre, écrasé quatre régiments prussiens, fait quinze cents prisonniers, porté ses avant-gardes à mi-chemin de Namur et de Bruxelles. Donc, ce 17 juin Napoléon était déjà vainqueur ou vaincu. On dormit fort peu chez Claude, comme chez Bernard, la nuit suivante. Le lendemain – encore un beau dimanche après des pluies –, vers neuf heures du matin, la batterie des Invalides tonna. Ainsi, c’était la victoire ! Claude se fit conduire vivement place Vendôme, où il ne trouva pas Bernard parti pour le ministère de la Guerre, mais il en revint bientôt : Davout n’y était pas. Claude se rendit chez Fouché. Il se rasait et l’accueillit avec le plus grand calme. « Oui, confirma-t-il, l’empereur semble avoir, le 16, sous Fleurus, battu les Prussiens et même les Anglais. Cela paraît beaucoup à la

Weitere Kostenlose Bücher